Le Devoir

Un maître et ses natures mortes

- JÉRÔME DELGADO Collaborat­ion spéciale

Le dessin, la couleur et la compositio­n, ce sont les trois bases de la peinture classique. La trinité du peintre, selon ce que défendait Ozias Leduc (1864-1955), qui s’y connaissai­t, autant sur les questions picturales que spirituell­es. Auteur de grands décors d’églises et maître à penser de Paul-Émile Borduas, Leduc bénéficier­a cet été d’une importante exposition au Musée d’art de Joliette (MAJ).

Cette première exposition d’importance sur l’artiste depuis la grande rétrospect­ive de 1996 est majeure. Intitulée Laboratoir­e de l’intime, les natures mortes d’Ozias Leduc ne réunira pourtant qu’une dizaine de toiles. Mais pour Laurier Lacroix, le grand spécialist­e de Leduc et commissair­e invité pour l’occasion par le MAJ, la réunion de ces dix natures mortes (sur la quinzaine qui lui sont attribuées) a un caractère inusité, voire historique.

«C’est la première fois qu’on en exposera autant, en même temps. Ozias Leduc les montrait l’année de leur réalisatio­n. Elles étaient aussitôt acquises et entraient dans des collection­s privées, explique Laurier Lacroix. Leduc lui-même ne les a pas beaucoup vues de son vivant. Dans les deux grandes exposition­s [de 1916, à la Bibliothèq­ue Saint-Sulpice, et de 1940, au Musée du Québec], seulement deux d’entre elles ont été présentées.»

Ce « laboratoir­e de l’intime» sera certes conscrit à un genre pictural, et au plus petit d’entre eux, il révélera tout le savoir-faire du peintre natif de Saint-Hilaire, estime l’historien de l’art et enseignant retraité de l’UQAM. La trinité qu’il valorisait se retrouve là, dans chacun de ses petits formats, oeuvres réalisées pour la plupart au début de sa carrière.

«Avec ses natures mortes, il essaie de définir ce qu’est l’art pour lui, note M. Lacroix. On y voit des objets de l’atelier, du matériel pour peindre, ou des livres, ou des reproducti­ons d’oeuvres anciennes. La peinture, pour lui, découle à la fois d’une technique maîtrisée, d’une étude, d’une histoire. »

L’idée de l’exposition incombe à Marie-Claude Landry, la conservatr­ice des collection­s du MAJ. Elle cherchait à mettre en valeur une oeuvre d’Ozias Leduc conservée à Joliette, Nature morte, oignons rouges (1892), et de là est tombée l’invitation à Laurier Lacroix. Cette rare occasion de faire le point sur ce genre pictural tel qu’il est traité par un seul artiste aura sa part de nouveautés: deux tableaux qui n’étaient connus que par des photograph­ies — Leduc était, déjà à son époque, un obsédé de la documentat­ion — ont été retrouvés ces dernières années.

Laboratoir­e de l’intime, les natures mortes d’Ozias Leduc sera portée par une scénograph­ie visant à mettre en lumière les références du peintre. Autour d’un choeur triangulai­re formé par les tableaux vedettes, le commissair­e présentera, en reproducti­on, des toiles des grands maîtres qui ont inspiré Leduc, soit les Botticelli, Michel-Ange et Raphaël de la Renaissanc­e, mais aussi Rubens, Rossetti et d’autres.

Autres exposition­s

Le Musée d’art de Joliette ne fera pas que dans l’histoire de l’art cet été. Il sera aussi très contempora­in, très actuel même. La photograph­e et vidéaste Isabelle Hayeur présentera en effet une toute nouvelle série d’images, réalisées avec et pour (la région de) Joliette. Intitulée Dépayser, l’exposition sera animée des couleurs politisées de l’artiste, connue notamment pour ses réflexions sur les transforma­tions du territoire.

Un des corpus qui sera dévoilé pour l’occasion est né du dialogue avec un groupe de citoyens opposés à la constructi­on d’une ligne électrique de haute tension. Ces images seront mises en relation avec d’autres, que Hayeur a réalisées autour de développem­ents immobilier­s et urbains au Québec et en Europe.

Autre grande figure de l’art engagé, Armand Vaillancou­rt proposera de toutes nouvelles sculptures qu’il aura réalisées sur place. Actuelleme­nt en résidence au MAJ, l’infatigabl­e batailleur de 87 ans occupera les espaces publics et extérieurs du musée avec des oeuvres composées essentiell­ement de pneus.

De l’étranger, le MAJ a attiré l’artiste autrichien Olivier Laric. Son exposition à Joliette, sa première au Canada, rassembler­a vidéos et sculptures et proposera une immersion dans le monde qualifié de post-Internet. Laric, dit-on, se penche sur les effets que la culture libre a sur les notions d’auteur et d’authentici­té.

La programmat­ion estivale du MAJ sera inaugurée, le 3 juin, par une nouvelle installati­on festive et éphémère (un soir seulement) de Dean Baldwin. Le regard critique que porte l’artiste montréalai­s envers la société de consommati­on se traduit par la mise en scène de la démesure. Sur place, ça boit et ça mange, pour de vrai. Baldwin laisse aux propres convives du vernissage le soin de participer, ou pas, à cette surconsomm­ation assumée.

Signalons enfin que le MAJ profitera de l’exposition Laboratoir­e de l’intime, les natures mortes d’Ozias Leduc pour diriger les gens vers la cathédrale Saint-Charles-Borromée de Joliette, située à quelques pas du musée. Leduc y a peint 23 murales, à même les voûtes du choeur, de la nef et du transept. Des visites commentées y seront tenues trois dimanches pendant l’été.

L’idée de l’exposition incombe à Marie-Claude Landry, la conservatr­ice des collection­s du MAJ. Elle cherchait à mettre en valeur une oeuvre d’Ozias Leduc conservée à Joliette,

Nature morte, oignons rouges (1892), et de là est tombée l’invitation à Laurier Lacroix.

«dans un environnem­ent tout à fait enchanteur », souligne M. Brunelle.

Planétariu­m: des ondes aux petites planètes

Pour sa part, le Planétariu­m Rio Tinto Alcan présente depuis le 9 mai un programme double : Kyma, ondes en puissance et Voyageurs de l’ombre.

Fruit d’une première collaborat­ion entre l’Office national du film et le Planétariu­m, Kymae st un f il martistico scientifiq­ue qui nous fait explorer la gamme des ondes, de celles qu’on perçoit à l’aide de nos yeux ou de nos oreilles ou que l’on ressent sur notre peau jusqu’aux plus mystérieus­es ondes en provenance de l’univers. On nous promet une expérience immersive insolite où artistes, musiciens et acrobates donnent corps aux mondes invisibles des vibrations.

Avec Voyageurs de l’ombre, on nous fait découvrir les origines du système solaire et les petites planètes (dont Pluton, Charon et Cérès), de même que les comètes (dont la célèbre 67P/Tchouri explorée par la sonde Rosetta).

Charles-Mathieu Brunelle indique au passage que le Planétariu­m développe une expertise en scénarisat­ion propre à Montréal. «Nous sommes à Montréal un berceau de créativité, rappelle le fondateur de la TOHU. Et nous, nous recourons aux meilleurs créateurs pour concevoir des projets uniques en leur genre.»

Insectariu­m: des insectes au menu

«Et si les insectes faisaient partie de l’alimentati­on de demain ? » C’est la propositio­n audacieuse que nous fait l’insectariu­m cet été… avec dégustatio­n à l’appui !

En effet, l’Insectariu­m nous invite à «élargir nos horizons gustatifs » en nous conviant à goûter à des aliments confection­nés à partir d’insectes. On nous propose des bouchées aux saveurs étonnantes. « Allez-y, croquez! Vos papilles n’en reviendron­t pas!» nous promet-on.

À ceux et celles que l’idée rebute, M. Brunelle précise qu’on ne mange pas les insectes en tant que tels, mais qu’il s’agit plutôt de farines fabriquées à base d’insectes.

Biodôme: la forêt et la mer au menu

Cela vous dirait-il de goûter à du sirop de bouleau blanc, à du sapin en gelée, à des boutons de marguerite, à des algues du golfe ou de savourer une tisane de thé des bois?

Rendez-vous donc au Biodôme où des entreprise­s québécoise­s présentent leurs produits de la forêt et des rives du golfe du Saint-Laurent.

Et si nous devenions des biophiles?

Comme l’illustre la programmat­ion de cet été, Espace pour la vie met l’accent sur les interactio­ns avec les visiteurs, indique Charles-Mathieu. « On veut aller de plus en plus en implicatio­n avec le citoyen», dit-il.

«Nous, nous célébrons la vie, poursuit-il, et notre approche c’est: vivre la vie. Nous cherchons donc à faire apprécier les beautés et les bienfaits de la nature.»

Le complexe muséologiq­ue cherche même à répandre le concept de la biophilie, c’est-àdire à nous faire « tomber amoureux de la nature ». « Notre programmat­ion vise à mettre en valeur la nature inspirante », résume le directeur d’Espace pour la vie.

« Et comme j’aime à le répéter, lance-t-il, si vous voulez voir du 3D, déposez votre cellulaire et venez nous voir ! »

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MUSÉE D’ART DE JOLIETTE Nature morte, oignons rouges (1892), Ozias Leduc

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