Le Devoir

Des vestiges du Petit séminaire de Montréal détruits

- JEANNE CORRIVEAU

Alors que Montréal fête son 375e anniversai­re cette semaine, les derniers vestiges du Petit séminaire viennent d’être presque totalement détruits, rue Saint-Paul Ouest. Jeudi dernier, les pelles mécaniques ont arraché la plupart des restes des fondations du bâtiment datant de 1807 afin de faire place à un projet d’immeuble en copropriét­é.

Jeudi matin, on pouvait encore voir les murs de pierre exhumés du sol, mais plus tard dans la journée, les pelles mécaniques s’y sont attaquées. Du Petit séminaire qui a accueilli des cohortes d’étudiants au début du XIXe siècle, parmi lesquels George-Étienne Cartier, il ne reste que quelques artefacts et des pierres.

Ce collège avait été construit par les sulpiciens après que le château de Vaudreuil où logeait le Collège de Montréal (Collège Saint-Raphaël) eut été détruit par un incendie en 1803. Le Petit séminaire a accueilli des élèves jusqu’en 1861 avant d’être transformé en entrepôt. Malgré quelques incendies, l’aile ouest a survécu et a même logé une entreprise de saucisses pendant quelques années.

Site non protégé

Rien ne semblait pouvoir empêcher la disparitio­n de ce qui subsistait du Petit séminaire. Le terrain qui se trouve à l’angle des rues Saint-Paul et Saint-Henri est situé à l’extérieur du périmètre du Site patrimonia­l déclaré de Montréal (Vieux-Montréal). Il ne s’agit pas d’un site protégé au sens de la loi, ni au provincial ni au municipal, précise-t-on à la Ville de Montréal.

En janvier dernier, le ministère de la Culture a délivré un permis de recherche archéologi­que. «La préoccupat­ion du ministère dans ce cas-ci est de s’assurer qu’un maximum d’informatio­n sur le site soit documenté par la firme d’archéologi­e», a indiqué par courriel Annie LeGruiec, porte-parole du ministère.

Il faut dire que les vestiges étaient limités. Selon les archives consultées par Le Devoir, la démolition du Petit séminaire avait été entreprise en 1975 avant d’être suspendue à la suite des protestati­ons du mouvement Sauvons Montréal. Le ministre des Affaires culturelle­s de l’époque avait alors signé un avis d’intention de classement. Mais visiblemen­t, il n’a pas donné suite à cette volonté de préserver le bâtiment.

En juin 1980, les derniers murs sont tombés, pris d’assaut par une grue mécanique après que la Ville eut délivré un permis de démolition. L’aile ouest qui subsistait était en mauvais état, mais elle «offrait encore un grand intérêt historique et architectu­ral et véhiculait avec elle toute une période de l’histoire», peut-on lire dans Le Devoir du 21 juin 1980.

Recouvert de gravier, le terrain a par la suite servi de stationnem­ent de surface.

Projet immobilier

Sur le site, le promoteur Prével a l’intention de réaliser un projet immobilier baptisé 21e Arrondisse­ment qui comportera des copropriét­é, des unités locatives et des espaces commerciau­x.

Prével a eu recours à des archéologu­es et indique avoir travaillé étroitemen­t avec le ministère de la Culture qui «suivait pas à pas les recherches qui étaient faites». «Rien n’a été trouvé qui pourrait justifier d’arrêter le chantier, souligne Laurence Vincent, vice-présidente vente et marketing chez Prével. «Il a été déterminé que ce n’était pas à valeur de conservati­on. Donc, les archéologu­es vont nous remettre un rapport d’ici un an avec tous les artefacts et les informatio­ns qu’ils ont trouvés.» Parmi ces artefacts figure un escalier qui sera conser vé, dit-elle.

Un quartier ancien

«Un cas comme celui-ci nous ramène à un dilemme qui est encore à résoudre: comment développer des projets en sachant qu’il y a un potentiel archéologi­que dans le site luimême?» souligne Dinu Bumbaru, directeur des politiques chez Héritage Montréal.

Situé entre le Vieux-Montréal et Griffintow­n, le Faubourg des récollets compte plusieurs bâtiments d’intérêt patrimonia­l, mais également des zones dévitalisé­es avec des stationnem­ents à ciel ouvert.

«On est dans un secteur qui a été dévasté sur le plan du patrimoine bâti. On avait un grand espoir de réparer le tissu urbain par des constructi­ons. C’est en train de se faire aujourd’hui avec la Cité du multimédia et les projets résidentie­ls», dit M. Bumbaru. «Réparer les abords du Vieux-Montréal, c’est bien, ça veut dire qu’on va avoir un quartier extrêmemen­t ancien, mais qui va avoir l’air tout neuf.»

Dinu Bumbaru soutient que, sous l’administra­tion de Jean Doré, il avait été question d’aménager un parc sur le site de l’ancien Petit séminaire compte tenu du potentiel archéologi­que.

Prével aménagera un square aux abords du futur immeuble. Ce square sera privé, mais accessible à tous. Le promoteur promet d’y intégrer l’escalier ainsi que des vieilles pierres. Le lobby de l’immeuble comportera aussi une inscriptio­n expliquant l’évolution du site.

«Comme les pouvoirs publics ont un peu abdiqué ce genre de fonction, il faut compter sur les promoteurs», fait remarquer Dinu Bumbaru.

 ?? MARC-ANTOINE AREL ?? Jeudi dernier, les pelles mécaniques se sont attaquées aux vieux murs de pierre du Petit séminaire, construit en 1807.
MARC-ANTOINE AREL Jeudi dernier, les pelles mécaniques se sont attaquées aux vieux murs de pierre du Petit séminaire, construit en 1807.

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