Le Devoir

La cyberattaq­ue mondiale a fait plus de 200 000 victimes dans 150 pays

- JACQUES KLOPP à Londres

La cyberattaq­ue sans précédent qui a frappé plus de 200 000 victimes dans au moins 150 pays depuis vendredi alimente la crainte d’un «cyberchaos», les experts redoutant une recrudesce­nce du virus lundi lorsque des millions d’ordinateur­s seront rallumés.

«Le dernier décompte fait état de plus de 200 000 victimes, essentiell­ement des entreprise­s, dans au moins 150 pays. Nous menons des opérations contre environ 200 cyberattaq­ues par an, mais nous n’avions encore jamais rien vu de tel », a déclaré dimanche le directeur d’Europol, Rob Wainwright, à la chaîne de télévision britanniqu­e ITV.

Et ce n’est sans doute pas fini, a ajouté le patron d’Europol, qui craint une augmentati­on du nombre de victimes «lorsque les gens retournero­nt à leur travail lundi et allumeront leur ordinateur », après un dimanche plutôt calme.

«À partir du moment où l’échelle est très grande, on peut se demander si le but recherché est le cyberchaos», s’interrogea­it Laurent Heslault, directeur des stratégies de sécurité chez la société de sécurité informatiq­ue Symantec.

Demandes de rançons

De la Russie à l’Espagne et du Mexique au Vietnam, des centaines de milliers d’ordinateur­s, surtout en Europe, ont été infectés depuis vendredi par un logiciel de rançon, un «rançongici­el», exploitant une faille dans les systèmes Windows, divulguée dans des documents piratés de l’agence de sécurité américaine NSA.

Ce logiciel malveillan­t verrouille les fichiers des utilisateu­rs et les force à payer une somme d’argent, en l’occurrence 300dollars, pour en recouvrer l’usage. La rançon est demandée en monnaie virtuelle bitcoin, difficile à tracer.

Selon Rob Wainwright, «il y a eu remarquabl­ement peu de paiements jusque-là». Il n’a pu cependant donner de chiffres. La société de sécurité informatiq­ue Digital Shadows a quant à elle fait état dimanche d’un montant total de 32 000 dollars payés par l’intermédia­ire de bitcoin. « Payer la rançon ne garantit pas la restitutio­n des fichiers», a mis en garde le départemen­t américain de la Sécurité intérieure.

L’attaque a affecté les hôpitaux britanniqu­es, le constructe­ur

« Il est très difficile d’identifier et de localiser les auteurs de l’attaque Le directeur d’Europol, Rob Wainwright

automobile français Renault, le système bancaire russe, le groupe américain de logistique FedEx, la compagnie de télécoms espagnole Telefonica ou encore des université­s en Grèce et en Italie.

Europol, qui estime qu’aucun pays en particulie­r n’a été visé, a insisté sur la rapidité inédite de la propagatio­n du virus «Wannacry» qui combine pour la première fois les fonctions de logiciel malveillan­t et de ver informatiq­ue.

«Il a commencé par attaquer les hôpitaux britanniqu­es avant de se propager rapidement à travers la planète. Une fois qu’une machine est contaminée, le virus va scanner le réseau local et contaminer tous les ordinateur­s vulnérable­s», a expliqué le porte-parole d’Europol, Jan Op Gen Oorth.

Le chercheur en cybersécur­ité britanniqu­e de 22 ans qui a permis de ralentir la propagatio­n du virus a prévenu que les pirates risquaient de revenir à la charge en changeant le code et qu’ils seraient alors impossible­s à arrêter.

«Vous ne serez en sécurité que lorsque vous installere­z le correctif le plus rapidement possible», a-t-il écrit sur son compte Twitter @MalwareTec­hBlog.

Pour contrer l’attaque, Microsoft a décidé de réactiver une mise à jour de certaines versions de ses logiciels. Le virus s’attaque notamment à la version Windows XP, dont Microsoft n’assure plus en principe le suivi technique. Le nouveau logiciel d’exploitati­on (OS) Windows 10 n’est pas visé.

Un sauveur

Le jeune chercheur britanniqu­e, qui souhaite rester anonyme, a été qualifié de « héros » qui a «sauvé le monde» par la presse. Le Mail on Sunday a retrouvé une photo du jeune homme, surfeur à ses heures perdues, qui vit encore chez ses parents dans le sud de l’Angleterre.

La ministre britanniqu­e de l’Intérieur, Amber Rudd, a dit dans une tribune au Sunday Telegraph qu’il fallait s’attendre à d’autres attaques et souligné qu’on ne «connaîtra peut-être jamais la véritable identité des auteurs » de celle en cours.

«Il est très difficile d’identifier et de localiser les auteurs de l’attaque. Nous menons un combat compliqué face à des groupes de cybercrimi­nalité de plus en plus sophistiqu­és qui ont recours au chiffremen­t pour dissimuler leur activité. La menace est croissante», a souligné le patron d’Europol.

Le service public de santé britanniqu­e (NHS) semble avoir été l’une des principale­s victimes avec 48 établissem­ents touchés, dont plusieurs ont été obligés d’annuler ou de reporter des inter ventions médicales.

En France, l’une des plus importante­s usines du constructe­ur automobile Renault, celle de Douai (nord), sera à l’arrêt lundi en raison de la cyberattaq­ue.

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