Le Devoir

Chercher un terrain d’entente sur les Kurdes et Gülen

Recep Tayyip Erdogan rencontrer­a Donald Trump mardi pour tenter d’améliorer les relations entre les deux pays

- STUART WILLIAMS à Istanbul

Le président turc Recep Tayyip Erdogan doit rencontrer pour la première fois mardi à Washington son homologue américain Donald Trump, qu’il espère rallier à sa cause sur plusieurs dossiers pour relancer des relations tendues depuis des mois.

Les rapports entre la Turquie et les États-Unis ont viré à l’orage à la fin de la présidence de Barack Obama, les deux pays s’opposant sur plusieurs dossiers, dont ceux concernant les milices kurdes syriennes YPG ou l’extraditio­n du prédicateu­r Fethullah Gülen.

Les analystes préviennen­t qu’il sera difficile pour M. Erdogan de parvenir à faire bouger M. Trump sur ces questions, ouvrant la perspectiv­e d’un hiver prolongé dans les relations entre les États-Unis et la Turquie, deuxième armée en effectifs de l’OTAN.

Le déplacemen­t de M. Erdogan survient à un moment délicat, une semaine à peine après l’annonce par les États-Unis qu’ils livreraien­t des armes aux YPG qui combattent les djihadiste­s, ces mêmes milices kurdes qu’Ankara considère comme des « terroriste­s ».

Cette nouvelle, ainsi que le moment de son annonce, a sonné Ankara, où l’élection de M. Trump avait fait naître l’espoir d’une «nouvelle page» dans les rapports entre les deux pays, basés sur une relation personnell­e forte entre deux dirigeants adeptes d’un style politique viril.

Mais s’ils ont condamné l’annonce de la fourniture d’armes aux milices kurdes, les dirigeants turcs semblent avoir retenu leurs coups contre M. Trump. Comme s’ils gardaient l’espoir de le rallier à leur cause.

Mais l’avenir des relations entre Ankara et Washington reste également suspendu à d’autres dossiers épineux, comme la demande d’extraditio­n du prédicateu­r Fethullah Gülen, qui vit en exil aux États-Unis et est accusé par le pouvoir turc d’avoir ourdi la

tentative de putsch de juillet.

À cela s’ajoutent les arrestatio­ns aux États-Unis de l’homme d’affaires turco-iranien Reza Zarrab et d’un cadre de la banque Halkbank, Mehmet Hakan Atilla, soupçonnés d’avoir enfreint les sanctions imposées à l’Iran.

«J’ai bien peur que l’entretien [entre MM. Erdogan et Trump] ne se transforme en énoncé de doléances, des YPG à Reza Zarrab, en passant par Halkbank », dit à l’AFP Aaron Stein, chercheur au centre de réflexion Atlantic Council.

Humiliatio­n pour Ankara, l’annonce de l’envoi d’armes aux YPG est survenue alors que les chefs de l’armée et du renseignem­ent turcs, ainsi que le porte-parole du président turc, étaient à Washington pour préparer le déplacemen­t de M. Erdogan.

Les États-Unis soutiennen­t les YPG qu’ils considèren­t comme la force la plus apte à affronter au sol le groupe État islamique (EI) et à chasser les djihadiste­s de leur bastion syrien de Raqa.

Mais pour la Turquie, les YPG ne sont que l’extension en Syrie des séparatist­es kurdes de Turquie (PKK), qui livrent depuis 1984 une sanglante guerre à l’État turc. Le PKK est classé « organisati­on terroriste » par Ankara et ses alliés occidentau­x.

M. Erdogan a exhorté le gouverneme­nt américain à revenir «sans délai» sur son «erreur », et a déclaré qu’il aborderait la question avec M. Trump lors de son déplacemen­t.

Au point mort

«Erdogan a mis en jeu beaucoup de sa crédibilit­é en faisant la cour à M. Trump », souligne M. Stein. « Je m’attends à ce qu’Erdogan tente de dissuader Trump, mais il doit bien être conscient lui aussi que cela ne marchera pas », ajoute-t-il.

En raison des tensions qui se sont renforcées sous la présidence Obama, la Turquie et les États-Unis n’ont pas réussi à insuffler de l’énergie dans leurs relations commercial­es. Et l’anti-américanis­me a atteint des sommets en Turquie, où la presse progouvern­ementale publie régulièrem­ent des théories du complot impliquant Washington.

En parallèle de la dégradatio­n de ces relations, la Turquie s’est rapprochée de la Russie, avec laquelle elle coopère désormais étroitemen­t sur le dossier syrien, parrainant par exemple un accord de cessez-le-feu fin décembre.

Autrefois « exemplaire », le partenaria­t entre la Turquie et les États-Unis est devenu « dysfonctio­nnel, produisant des résultats insatisfai­sants pour les deux parties», résument dans une étude Kemal Kirisci, du centre d’analyses Brookings Institutio­n, et Asli Aydintasba­s, experte au Conseil européen des relations internatio­nales.

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THOMAS PETER POOL AGENCE FRANCE-PRESSE Le président turc sera de passage à Washington mardi.

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