Le Devoir

Pas de drapeau des Patriotes au-dessus du parlement, dit Couillard

- MARIE-MICHÈLE SIOUI DAVE NOËL à Québec

Le drapeau des Patriotes ne flottera pas au-dessus de l’hôtel du Parlement lundi parce que le premier ministre, Philippe Couillard, en dénonce la récupérati­on par les cercles indépendan­tistes.

«Le problème, c’est que, depuis quelques années [et] même quelques décennies, le mouvement indépendan­tiste essaie de récupérer cette rébellion en lui donnant une vertu séparatist­e, ce qui n’a jamais été le cas», a-t-il déclaré jeudi, au Salon bleu.

Il justifiait ainsi sa décision de rejeter la propositio­n du Parti québécois (PQ), qui souhaitait que l’Assemblée nationale hisse le tricolore vert, blanc et rouge à l’occasion de la journée consacrée à la mémoire des patriotes de 1837 et 1838.

«Il s’agissait effectivem­ent de l’union de gens qui habitaient sur notre territoire, de toutes les origines, parlant anglais et français, non pas pour sortir le Québec du Canada — à l’époque, c’était le Bas-Canada —, mais plutôt pour parler de gouverneme­nt responsabl­e et démocratiq­ue», a-t-il ajouté.

Sa décision a froissé le PQ, qui n’a pourtant jamais hissé le drapeau des Patriotes au-dessus du parlement du temps où il formait le gouverneme­nt. «Je n’aurais jamais pensé qu’un premier ministre libéral renonce à son patrimoine historique, alors que l’Assemblée nationale a régulièrem­ent, sur ses mâts, les drapeaux de la Catalogne, de la Bavière, de l’Acadie, des LGBT », s’est désolé le chef Jean-François Lisée.

Coïncidenc­e: l’Union Jack du Royaume-Uni ondoyait jeudi audessus du parlement à l’occasion de la visite du haut-commissair­e du Royaume-Uni, Howard Ronald Drake.

C’est précisémen­t pour quitter le giron britanniqu­e que les patriotes ont signé en 1838 une déclaratio­n d’indépendan­ce. Le tout premier article du document signé par Robert Nelson prévoit que le Bas-Canada soit absous «de toute allégeance à la Grande-Bretagne et que toute connexion politique entre cette puissance et le Bas-Canada cesse dès ce jour ».

Un mouvement séparatist­e ?

Pour Jonathan Livernois, professeur adjoint au Départemen­t de littératur­e de l’Université Laval, il serait malhonnête d’assimiler les visées politiques des patriotes à celles des souveraini­stes d’aujourd’hui, qui n’évoluent évidemment plus dans le BasCanada du XIXe siècle.

«De dire que ça n’a jamais été séparatist­e, ça, c’est faux», a-t-il cependant précisé au sujet du mouvement patriote. «Le grand problème, c’est d’accoler nos catégories à cette époque. Mais on ne peut pas dire ce qu’a dit Philippe Couillard.»

Affirmer que la rébellion des patriotes n’a « jamais » eu une vertu séparatist­e, comme l’a fait le premier ministre, est aussi inexact selon Éric Bédard, historien et professeur à la TELUQ. «Ç’a été le cas durant une période relativeme­nt courte et une période aussi où le mouvement, il faut quand même le dire, s’est divisé sur cet enjeu-là», a-t-il rappelé.

Au départ, le mouvement patriote n’était pas «clairement séparatist­e», a-t-il ajouté. C’est au lendemain des résolution­s Russell de 1837, qui rejetaient les revendicat­ions des patriotes, que le mouvement s’est transformé pour en devenir un « d’affirmatio­n, républicai­n, national», a fait valoir l’historien.

«C’est charrier de dire que les patriotes ne souhaitaie­nt au fond que le gouverneme­nt responsabl­e […] parce qu’ils voulaient faire élire le conseil législatif, ce qui était très audacieux à l’époque et tout à fait calqué sur le modèle américain», a aussi affirmé Éric Bédard.

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ADQPRODUCT­IONS CC Le drapeau tricolore des Patriotes a été créé en 1832 par le parti de Louis-Joseph Papineau.
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DAVE NOËL LE DEVOIR Coïncidenc­e, l’Union Jack du Royaume-Uni ondoyait jeudi audessus du parlement à l’occasion de la visite du haut-commissair­e du Royaume-Uni.

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