Le Devoir

Les poursuites abandonnée­s, Assange crie victoire

Pour la Suède, l’affaire se conclut sur un fiasco judiciaire

- MAUREEN COFFLARD à Londres HUGHES HONORE à Stockholm

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a salué vendredi depuis le balcon de l’ambassade d’Équateur à Londres «une victoire importante» après l’abandon en Suède des poursuites pour viol à son encontre, sans indiquer s’il allait sortir de son refuge.

«Ce jour est une victoire importante pour moi et pour le système des droits de l’homme de l’ONU », a lancé, poing serré, Assange, réfugié depuis cinq ans à l’ambassade d’Équateur au Royaume-Uni pour échapper à une possible extraditio­n.

Il a déclaré que ses avocats avaient contacté les autorités britanniqu­es et qu’il espérait «un dialogue sur la meilleure façon d’avancer», ajoutant souhaiter «un dialogue avec le départemen­t de la Justice» américain; avant de regagner la pièce de l’ambassade équatorien­ne où il vit depuis 2012.

Si le mandat d’arrêt européen est levé, la police britanniqu­e a en effet prévenu qu’elle serait «obligée» d’arrêter Julian Assange s’il sortait de l’ambassade, au motif qu’il avait enfreint en 2012 les conditions de sa liberté sous caution au Royaume-Uni.

Pour ce qui concerne le volet suédois, «l’affaire Assange» se conclut sur un fiasco judiciaire et valide la stratégie de l’obstructio­n systématiq­ue mise en oeuvre par ses nombreux avocats pour lui éviter de comparaîtr­e devant un tribunal.

«Toutes les possibilit­és de faire avancer l’enquête ont été épuisées […] et il n’apparaît plus proportion­né de maintenir la demande de placement en détention provisoire par défaut de Julian Assange ni le mandat d’arrêt européen», a fait valoir la procureure suédoise Marianne Ny.

À trois ans de la prescripti­on, l’abandon des poursuites «ne résulte pas d’un examen complet des éléments de preuve » et la justice suédoise « ne se prononce pas sur la question de la culpabilit­é », a remarqué la procureure.

Génie persécuté pour les uns, manipulate­ur paranoïaqu­e pour les autres, Julian Assange a toujours récusé les accusation­s de viol. Sauf coup de théâtre, il restera à jamais présumé innocent.

Malgré son soulagemen­t manifeste, l’Australien de 45 ans a affirmé qu’il ne pouvait pas «oublier ni pardonner» d’avoir passé « sept années sans accusation pendant que mes enfants grandissai­ent sans moi», dont «deux assigné à résidence et cinq dans cette ambassade sans la lumière du soleil ».

Extraditio­n aux États-Unis

« La vraie bataille commence maintenant », a-t-il affirmé, craignant toujours une manoeuvre pour le faire extrader vers les États-Unis, où il risque d’être poursuivi pour la publicatio­n par WikiLeaks de documents militaires et diplomatiq­ues confidenti­els.

Le gouverneme­nt de Donald Trump a affirmé en avril que son arrestatio­n était une « priorité » et selon des médias locaux, les États-Unis sont en train de monter un dossier d’accusation.

Saluant «une victoire totale pour Julian Assange», son avocat suédois, Per Samuelsson, a indiqué à l’AFP que son client souhaitait recevoir l’asile en Équateur. « C’est le seul endroit où il est en sécurité.»

Quito a salué la décision de la justice suédoise et le ministre équatorien des Affaires étrangères, Guillaume Long, a appelé le Royaume-Uni à garantir «un sauf-conduit» à Julian Assange pour qu’il puisse quitter son territoire sans être inquiété, sans toutefois préciser où il pourrait aller.

À Stockholm, l’accusatric­e de l’Australien, « choquée »,a dénoncé un « scandale » et maintenu sa version. « Aucune décision pour classer l’affaire ne peut changer le fait qu’Assange a commis sur elle un viol », a déclaré son avocate, Elisabeth Fritz.

Âgée d’une trentaine d’années à l’époque des faits, elle a porté plainte le 20 août 2010 contre Julian Assange, qu’elle avait rencontré au cours d’une conférence de WikiLeaks à Stockholm quelques jours auparavant. Elle l’accuse d’avoir engagé un rapport sexuel non protégé pendant qu’elle dormait dans la nuit du 16 au 17 août. Julian Assange a toujours soutenu qu’elle était consentant­e et avait accepté de ne pas utiliser de préservati­f.

L’instructio­n suédoise, notamment retardée par le refus d’Assange d’être entendu en Suède, aura pris près de sept ans. La plainte d’une autre jeune Suédoise pour une agression sexuelle à la même époque à Stockholm a été frappée par la prescripti­on en 2015.

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 ?? FRANK AUGSTEIN ASSOCIATED PRESS ?? «Ce jour est une victoire importante pour moi et pour le système des droits de l’homme de l’ONU», a lancé, poing serré, Julian Assange depuis le balcon de l’ambassade d’Équateur à Londres.
FRANK AUGSTEIN ASSOCIATED PRESS «Ce jour est une victoire importante pour moi et pour le système des droits de l’homme de l’ONU», a lancé, poing serré, Julian Assange depuis le balcon de l’ambassade d’Équateur à Londres.

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