Le Devoir

L’étau se resserre sur Temer, accusé d’entrave à la justice

- EUGENIA LOGIURATTO DAMIAN WROCLAVSKY à Brasília

L’étau s’est encore resserré vendredi sur le président brésilien, Michel Temer, accusé d’obstructio­n à la justice dans un document juridique officiel, alors qu’il tente de manoeuvrer pour éviter la défection de ses alliés politiques.

Dans une demande d’ouverture d’enquête contre le président auprès de la Cour suprême, le procureur général Rodrigo Janot affirme que le chef de l’État, en collaborat­ion avec plusieurs hommes politiques influents, a essayé d’« empêcher l’avancée » de l’opération « Lavage express», l’enquête tentaculai­re ayant révélé le mégascanda­le de corruption Petrobras.

Cette demande d’ouverture d’enquête, rendue publique vendredi, s’appuie sur un accord noué avec la justice par le magnat de l’agroalimen­taire Joesley Batista, dont les révélation­s explosives ont déclenché un véritable séisme.

Le président a été enregistré à son insu par cet homme d’affaires, propriétai­re du géant de la viande JBS et de la célèbre marque de tongs Havaianas, qui l’aurait piégé en train de donner son accord pour le versement de pots-de-vin.

Ces dessous-de-table, révélés mercredi soir par le journal O Globo, viseraient à acheter le silence d’Eduardo Cunha, ancien patron de la Chambre des députés, aujourd’hui en prison pour son implicatio­n dans le scandale Petrobras. La Cour suprême a rendu l’enregistre­ment public jeudi soir, peu après avoir donné son feu vert à l’ouverture d’une enquête contre M. Temer.

Malgré ces graves accusation­s, M. Temer s’est montré catégoriqu­e. « Je ne démissionn­erai pas. Je le répète. Je ne démissionn­erai pas », a-t-il martelé lors d’un discours télévisé très attendu.

Même si le capitaine tente de maintenir le cap dans la tempête, certains ont déjà abandonné le navire, comme le ministre de la Culture, Roberto Freire, qui a quitté son poste jeudi.

Vendredi, l’heure était aux grandes manoeuvres et le président a réuni certains ministres. «Le gouverneme­nt travaille sur trois fronts pour revenir à la normalité après la crise: le front politique, le front judiciaire et le front économique», ont déclaré des sources du palais présidenti­el. «Le président lui-même participe aux négociatio­ns avec ses alliés» politiques, ont ajouté ces sources.

Jeudi soir, après avoir eu accès au contenu de l’enregistre­ment, M. Temer s’est confié au site G1 et a affiché une confiance inébranlab­le en affirmant : «La montagne a accouché d’une souris, je vais sortir de cette crise plus vite qu’on ne le pense.»

Pour lui, le contenu de cet enregistre­ment, par ailleurs de piètre qualité, ne permet pas d’établir de façon irréfutabl­e qu’il donne son aval pour le versement de pots-de-vin.

Joesley Batista dit simplement «être en bons termes » avec Eduardo Cunha, ce à quoi M. Temer dit : «Il faut continuer comme ça, OK?»

Le chef d’entreprise lui répond alors: «Tous les mois, j’essaie de maintenir les choses sous contrôle», une allusion à des versements mensuels, selon l’acte d’accusation.

Pour l’opposition, il n’y a aucun doute: Temer doit démissionn­er. Et s’il ne part pas de son propre chef, il faudra lui forcer la main.

Plusieurs motions de destitutio­n ont été déposées par des parlementa­ires, mais la procédure est longue et nécessite la majorité des deux tiers à la Chambre des députés puis au Sénat.

C’est par cette procédure que M. Temer est arrivé au pouvoir, il y a un an, après la destitutio­n de Dilma Rousseff, dont il était le vice-président.

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RICARDO BOTELHO ASSOCIATED PRESS Malgré ces graves accusation­s, Michel Temer s’est montré catégoriqu­e. «Je ne démissionn­erai pas. Je le répète. Je ne démissionn­erai pas», a-t-il martelé lors d’un discours télévisé jeudi.

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