Le Devoir

Québec solidaire rejette le PQ

Il va falloir «se lever tôt» pour expliquer cette décision, note Gabriel Nadeau-Dubois

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ant parlementa­ire à Québec

Les délégués de Québec solidaire ont provoqué une commotion dimanche en rejetant du revers de la main toute négociatio­n d’alliances stratégiqu­es avec le Parti québécois. Ils ont pris tout un « risque », ont convenu les porte-parole, Manon Massé et Gabriel NadeauDubo­is, moins de 24 heures plus tard, invitant du même souffle les solidaires à «reconnaîtr­e» la «lourde responsabi­lité» qui pèse désormais sur leurs épaules: «battre les libéraux en 2018».

«Il va falloir se lever tôt, puis travailler fort, parce que la décision qu’on a prise, il y a beaucoup de gens qui ne la comprendro­nt pas, on le sait. Il y a des gens qui vont nous attaquer. Ça ne veut pas dire qu’on a pris la mauvaise décision. Mais ça veut dire qu’il faut l’assumer maintenant », a mar telé M. Nadeau-Dubois à l’issue du congrès de quatre jours de la formation politique de gauche, lundi.

Les participan­ts ont interdit dimanche aprèsmidi à l’état-major de leur formation politique de discuter de pactes de non-agression avec le PQ d’ici aux prochaines élections générales. L’effet de ressac a été immédiat. «QS portera l’odieux de la réélection du Parti libéral du Québec dans moins d’un an et demi», peut-on lire sous différente­s déclinaiso­ns sur les réseaux sociaux.

Les tirs ne proviennen­t pas seulement du camp péquiste. QS s’est notamment attiré les reproches du Mouvement Démocratie nouvelle

(MDN) ainsi que ceux d’Alain Vadeboncoe­ur et de Karel Mayrand. Tous deux avaient participé aux côtés de Gabriel Nadeau-Dubois à la tournée Faut qu’on se parle au fil des derniers mois. Le directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, a dit « ressen[tir] une énorme déception devant un parti qui veut faire les choses autrement, mais qui réagit exactement comme tous les autres ». «Les compromis sont indispensa­bles pour diriger un pays, et c’est avec les adversaire­s qu’on fait des compromis, pas avec les amis», a écrit quant à lui le « médecin d’urgence quelque peu dispersé », Alain Vadeboncoe­ur.

« Les attaques sont solides »,a lâché Mme Massé devant les militants qui étaient rassemblés dans un auditorium de l’UQAM lundi afin de parachever le programme politique de QS après 11 ans de dur labeur.

Pour plusieurs alignés et non-alignés, QS a infligé dimanche une sévère leçon au PQ pour avoir trahi la population québécoise en « clignot[ant] à gauche avant de virer à droite » une fois au pouvoir, mais, ce faisant, a puni les progressis­tes québécois en éloignant la perspectiv­e d’une défaite du PLQ.

L’élue péquiste Véronique Hivon s’est dite désagréabl­ement « surprise » de voir les délégués de QS « s’accroche[r] autant au passé » afin de justifier leur refus d’amorcer des discussion­s avec le PQ pour se doter d’un «outil supplément­aire pour maximiser les chances » de chasser les libéraux du pouvoir. «Est-ce que tout a été parfait? Non, parce que, savez-vous quoi […] quand vous gouvernez, vous en faites, des erreurs. C’est le prix à payer pour gouverner, puis essayer de faire des choses pour le mieux. [Et], on a fait des choses incroyable­s», a-t-elle déclaré dans un entretien avec Le Devoir lundi.

Selon elle, les délégués de QS ont fait fi dimanche après-midi de la volonté des sympathisa­nts solidaires, qui appuieraie­nt à hauteur de 87% une alliance électorale PQ-QS, selon un sondage Léger-Le Devoir-Le Journal de Montréal. « On s’attendait à ce qu’ils acceptent au moins de s’asseoir pour travailler.»

«Entente de principe» gardée secrète?

Par ailleurs, plus d’un militant solidaire s’expliquait mal lundi soir pourquoi la direction de leur parti n’a pas dit mot de l’« entente de principe » signée par leur ex-président Andrés Fontecilla et les représenta­nts du Parti québécois, d’Option nationale et du Bloc québécois ni sur une «feuille de route» pour accéder à l’indépendan­ce. Radio-Canada en a révélé l’existence lundi après-midi alors que la plupart des congressis­tes avaient déjà plié bagage. L’accord de principe intervenu à la Table des Organisati­ons unies pour l’indépendan­ce (OUI Québec) aurait certaineme­nt été un « élément supplément­aire » qui aurait contribué à la réflexion des délégués de QS sur les alliances électorale­s, est d’avis Mme Hivon. « Nous avons été contraints de retarder la divulgatio­n publique, contrairem­ent à ce qu’on aurait souhaité par transparen­ce pour nos membres», s’est-elle contentée d’ajouter.

Mouvement large

QS a l’ambition de fédérer le mécontente­ment envers le gouverneme­nt libéral, notamment en mettant sur pied « un mouvement politique large comme on n’en a pas vu longtemps au Québec». Le parti politique — qui recueille 13 % des intentions de vote —, fait notamment le pari qu’il parviendra en un an et demi à faire le plein d’appuis d’électeurs traditionn­els du PLQ, notamment les personnes racisées, qui ont été blessées par la charte des valeurs québécoise­s. « Nous sommes le seul parti qui puisse s’adresser à ces gens-là [issus de la diversité. Le PLQ] vous abandonne systématiq­uement là où l’inclusion devrait compter le plus, c’est-à-dire sur le terrain

des conditions de vie, des conditions de travail », a-t-il répété.

La membre du comité antiracist­e de QS Dalila Awada avait convaincu ses consoeurs et confrères de ne pas succomber au « chant des sirènes des gains électoraux» en misant sur des pactes de non-agression avec le PQ. Le parti politique dirigé par Jean-François Lisée «porte en lui ces deux bêtes » : « le néolibéral­isme » et « le racisme ». «Pour les communauté­s racisées au Québec, l’ennemi est double», avait-elle déclaré durant le débat.

Le sociologue Mathieu Bock-Côté a roulé des yeux. « Le-triste-épisode-de-laCharte-des-valeurs. Le-tristeépis­ode-de-la-Charte-des-valeurs. Répétons cela à l’infini. C’est ainsi qu’on fabrique un mensonge collectif, auquel chacun est obligé de croire, sous peine de passer pour un infréquent­able. Qui s’imagine que la propagande est morte, dans notre société?» a-t-il demandé sur Facebook.

Gouin: «premier test»

Gabriel Nadeau-Dubois consentira toute son énergie à se faire élire lundi prochain dans la circonscri­ption de Gouin. Cette élection partielle constituer­a un « premier test » post-congrès pour QS, a fait valoir Mme Massé. Selon elle, la victoire n’est pas acquise à l’heure actuelle pour Gabriel Nadeau-Dubois. «Ça ne se fera pas par magie, OK! Il y a des gens qui sont choqués après nous parce qu’ils n’ont pas encore compris ou ils n’ont pas encore confiance [dans le fait] que Québec solidaire va gouverner», a-t-elle affirmé avec force.

Le PQ pourrait-il jouer les trouble-fête en dépit de l’absence de candidat péquiste dans la course? Véronique Hivon s’abstient d’appeler les électeurs de Gouin à voter blanc. «On les invite à voter pour le candidat ou la candidate qui est le plus proche de leurs aspiration­s », a-t-elle lancé.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois

Newspapers in French

Newspapers from Canada