Le Devoir

Convergenc­e souveraini­ste : je me sens trahi

- JEAN-PIERRE CHARBONNEA­U Ancien ministre péquiste

Maintenant que tous les masques sont tombés, que QS a rejeté toute alliance électorale avec le PQ, que le chef de la CAQ et celui du PQ ont fait de même pour une alliance entre eux et aussi pour une alliance à cinq, je me demande comment tous ces partis qui ont pactisé avec le diable (leurs partenaire­s dans ces discussion­s) depuis plus d’un an sous l’égide du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) et qui ont signé solennelle­ment, la main sur le coeur en décembre à l’Assemblée nationale même, un pacte politique en faveur de la mise en oeuvre rapide d’un nouveau mode de scrutin proportion­nel mixte compensato­ire régional et cela, dès le lendemain de l’élection générale de 2018, comment donc vont-ils concrétise­r ce changement majeur sur le plan de la démocratie ?

De façon naïve et partisane, les trois grands partis d’opposition pensent être capables de déloger seuls les libéraux et de devenir majoritair­es à l’Assemblée nationale avec le mode de scrutin actuel. Battre les libéraux n’est pas un programme politique, pas un projet de société, ont dit les militants de QS! Mais diaboliser et haïr ses compatriot­es des autres partis signataire­s avec soi du pacte semble être un bon programme politique.

Moi qui pensais que mettre au rancart le vieux mode de scrutin et faire naître une nouvelle culture politique qui induirait plus de collaborat­ion par l’entremise de coalition gouverneme­ntale était tout un changement de paradigme, tout un projet de société.

Le statu quo dans la façon de faire de la politique semble plutôt être vraiment l’option privilégié­e. Dommage! Triste. Déprimant. D’autant plus que les alliances politiques (et surtout la grande) sont le choix premier de nos compatriot­es, nous dit le sondage de samedi. Que diront les leaders de QS, du PQ, de la CAQ, d’ON et des verts quand, en octobre 2018, Philippe Couillard et le PLQ resteront à la tête de l’État québécois ?

En cette journée de mémoire en hommage aux patriotes de 1837 et 1838, il est douloureux de voir la division nationale continuer de faire ses ravages chez nous. Et dire que le PQ, la CAQ et QS se prétendent nationalis­tes et partisans du Québec, d’abord et avant tout. Il semble plutôt que ce soit «Moi j’ai raison et les autres non», «Mon parti d’abord et avant tout», qui soit le moteur de l’engagement politique.

Et pendant ce temps, en France, un nouveau président tente de changer l’ordre des choses et de faire de la politique autrement en créant un gouverneme­nt de coalition, et la majorité des Français le suivent dans cette direction, hors des sentiers battus.

Pauvre Québec. Tes élites politiques n’ont pas le sens de ce qu’est «Faire l’histoire». Où sont les Mandela et les De Klerk d’ici ?

Après tant d’efforts et d’énergie pour réunir des compatriot­es adversaire­s et les amener à opter pour un grand changement, je me sens trahi.

Newspapers in French

Newspapers from Canada