Le Devoir

Macron promet « fermeté » envers Poutine

Le nouveau président français recevra son homologue russe à Versailles, lundi

- VALÉRIE LEROUX SABINE WIBAUX à Paris

Le nouveau président français, Emmanuel Macron, recevra lundi prochain dès le lendemain du sommet du G7 Vladimir Poutine, un homme dont il fustige les « valeurs », mais avec qui il sait le dialogue incontourn­able.

La Russie espère de son côté beaucoup de cette rencontre, prévue à Versailles près de Paris, pour sortir de son isolement, selon des analystes.

Emmanuel Macron, qui fera son entrée sur la scène internatio­nale jeudi au sommet de l’OTAN à Bruxelles puis vendredi et samedi à celui du G7 en Sicile, a esquissé en deux mots, durant la campagne présidenti­elle, sa future relation avec la Russie : « dialogue » et « fermeté ». Tout en affirmant ne «pas faire partie de ceux qui sont fascinés par Vladimir Poutine», dont il ne partage pas les «valeurs».

Pour recevoir le maître du Kremlin, il a choisi le cadre très royal du Grand Trianon, un élégant palais voisin du château de Versailles, qui accueille une exposition sur le tsar bâtisseur Pierre le Grand.

Recevoir Vladimir Poutine dans un tel cadre permet au président français de ne pas donner un aspect trop officiel à la visite, «c’est assez habile», estime une source diplomatiq­ue.

«Cette première rencontre intervient très rapidement, mais après un voyage de Macron à Berlin et après le sommet de l’OTAN : c’est un message qui permet de rappeler que la priorité française, c’est l’Allemagne

et le projet européen», estime le directeur de l’Institut français des relations internatio­nales, Thomas Gomart.

«Poutine pour sa part espère corriger l’image très négative qu’il a laissée pendant la campagne présidenti­elle française », ajoute le chercheur, citant l’audience accordée en mars au Kremlin à la candidate d’extrême droite. Marine Le Pen, et les piratages informatiq­ues contre le parti d’Emmanuel Macron, attribués à des hackers russes.

Établir le contact

Avant son élection, Emmanuel Macron n’avait lui-même pas mâché ses mots envers Moscou et les médias russes.

«Les amis de Mme Le Pen, ce sont les régimes de MM. Orban, Kaczynski, Poutine», avait-il lancé le 1er mai en référence au premier ministre hongrois, au chef du parti conservate­ur nationalis­te PiS, au pouvoir en Pologne et au maître du Kremlin.

Mais le nouveau président, élu le 7 mai, a aussi toujours plaidé pour un dialogue avec Moscou, acteur-clé dans plusieurs dossiers internatio­naux, à commencer par la crise syrienne.

«Ma conviction est que seules la fermeté et l’unité des Européens nous permettron­t de maintenir le dialogue ouvert avec Moscou, qui est indispensa­ble», martelait-il le 18 mars dans un discours.

De son côté, la Russie, exclue du G8 — redevenu G7 — et sous le coup de sanctions internatio­nales depuis l’annexion de la Crimée et le soutien aux rebelles prorusses dans l’est de l’Ukraine, retient surtout l’appel au dialogue.

Le «développem­ent des relations franco-russes» sera au programme des discussion­s, dans tous les domaines, a confirmé le Kremlin dans un communiqué. «Macron est un homme très intelligen­t, réaliste, pragmatiqu­e […] Avec lui, on a plus de chances de progresser qu’avant [… ] On pourra revenir aux relations qu’on avait avec François Mitterrand », s’est félicité vendredi l’ambassadeu­r de Russie en France, Alexandre Orlov, devant des chefs d’entreprise français.

Le Kremlin, qui a fort à faire face à Angela Merkel — « une dame un peu capricieus­e, difficile» selon l’ambassadeu­r — mise aussi sur de nouveaux interlocut­eurs en Europe pour tenter d’infléchir la position de l’UE sur les sanctions.

«Je ne pense pas que Macron ait envie de jouer cavalier seul sur la Syrie et de fausser compagnie à Mme Merkel alors que nous sommes avec les Allemands dans le groupe de Normandie sur la crise ukrainienn­e », relève toutefois François Heisbourg, président de l’Internatio­nal Institute for Strategic Studies de Londres.

Pour le Kremlin, cette visite va aussi permettre de tourner la page du camouflet infligé par le président François Hollande, qui avait posé une condition — parler du dossier syrien — pour recevoir Vladimir Poutine à Paris en octobre. Ce dernier avait annulé sa visite.

M. Macron n’a pas voulu attendre le sommet du G20 début juillet à Hambourg (Allemagne) pour tisser un lien. «En politique internatio­nale, la “chimie” personnell­e est toujours très importante», estime M. Heisbourg.

Avant son élection, Emmanuel Macron n’avait pas mâché ses mots envers Moscou

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THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE Macron a affirmé ne pas partager les valeurs de Vladimir Poutine.

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