Le Devoir

Trois raisons expliquant le rejet par QS de l’alliance avec le PQ

- JOSIANE LAVALLÉE Historienn­e et ex-porte-parole femme de Québec solidaire Mercier

Dimanche dernier, mes anciens collègues de Québec solidaire ont tourné le dos au Parti québécois en fermant la porte à toute alliance politique avec la formation souveraini­ste. Personnell­ement, j’ai quitté en douce, en novembre dernier, Québec solidaire en ne renouvelan­t pas ma carte de membre. Voici trois raisons pour expliquer pourquoi Québec solidaire n’a jamais été enclin aux alliances politiques avec le Parti québécois et pourquoi j’ai quitté QS après dix ans de militantis­me.

Souveraine­té timide. Bien qu’une majorité de membres soient ouvertemen­t pour l’indépendan­ce du Québec, QS, depuis sa fondation, a toujours pris bien soin de ne pas trop affirmer son option souveraini­ste. Stratégiqu­ement, plusieurs militants ne voulaient pas que le parti prenne clairement position pour l’indépendan­ce, car bon nombre d’entre eux étaient tout à fait conscients que QS récoltait des votes dans la gauche fédéralist­e québécoise, notamment dans le Mile-End où Amir Khadir est toujours entré très fort lors des élections. Par conséquent, lors des nombreux congrès du parti, les militants finissaien­t toujours par se ranger derrière la position confortabl­e de l’assemblée constituan­te, pour trancher un jour la question de la souveraine­té du Québec.

« M. Lisée, ne craignez pas de tenir un discours axé sur la défense des intérêts collectifs de la nation québécoise »

Gauche sociale avant tout. Contrairem­ent à l’Union des forces progressis­tes qui était davantage une gauche politique, syndicale et indépendan­tiste réclamant le renforceme­nt des secteurs public et parapublic, notamment au chapitre de la qualité des services et des emplois dans ces secteurs, Québec solidaire fut dès le début, pour une certaine frange de militants issus d’Option citoyenne, davantage une gauche sociale et communauta­riste prônant une économie sociale et solidaire au sein des organismes communauta­ires où travaillen­t plusieurs militants de QS. Cette différence idéologiqu­e entre les deux groupes qui fondèrent Québec solidaire contribua dès le début à certaines tensions et divisions entre les militants issus de l’UFP et ceux issus d’Option citoyenne. Encore aujourd’hui, il est facile de distinguer les militants qui sont venus de l’UFP avec Amir Khadir de ceux qui sont arrivés d’Option citoyenne avec Françoise David et Manon Massé. En fin de semaine dernière, encore une fois, c’est la frange issue d’Option citoyenne, communauta­riste et moins souveraini­ste, qui a eu gain de cause dans le débat sur les alliances politiques.

La tentation des identités multiples. Enfin, il y a une troisième raison à ma désaffecti­on de QS. Curieuseme­nt, depuis deux ou trois ans, QS n’est plus un parti politique de gauche se préoccupan­t avant tout de diminuer les inégalités sociales et économique­s entre les classes sociales, mais avant tout un parti aux multiples identités en faveur de tous les groupes marginalis­és et stigmatisé­s de la société, comme les prostituée­s, les toxicomane­s, les transsexue­ls, les transgenre­s et les « queers », qui ne font pas nécessaire­ment partie de la classe pauvre de la société québécoise. Bien qu’il soit tout à fait louable de s’ouvrir davantage aux groupes stigmatisé­s de notre société pour briser les tabous et les préjugés, il est tout de même important que QS, qui souhaite un jour prendre le pouvoir, demeure réaliste et respecte l’évolution des mentalités québécoise­s qui ne sont pas toutes rendues à la même place sur divers sujets. Par exemple, il y a deux ans, lors d’un congrès du parti, ses dirigeants ont décidé d’instaurer un troisième micro dans les congrès pour les transgenre­s et pour les personnes non genrées afin qu’ils se sentent bien à l’aise d’intervenir en tant que non-hommes et nonfemmes. Enfin, lors de ce congrès, nous avons passé une journée complète à discuter de résolution­s pour légaliser la prostituti­on au Québec et une autre journée à voter des résolution­s sur la problémati­que des transsexue­ls et des transgenre­s au Québec. Force est de constater que nous sommes très loin d’une gauche socialiste et syndicale que nous souhaition­s, pour plusieurs, lorsque nous avons fondé QS en février 2006.

Cette tendance des identités multiples éloigne la formation politique de la souveraine­té du Québec. Car ce qui devient important pour les membres issus des groupes stigmatisé­s, ce n’est pas la souveraine­té, mais avant tout de faire avancer leur dossier respectif en tant que groupe particulie­r dans la société. En conséquenc­e, les intérêts collectifs de la société québécoise, comme la défense des ser vices publics (santé, éducation, services sociaux), ainsi que la promotion de la langue française, de l’histoire et de son identité québécoise passe au second plan. Donc, devant cette tendance individual­iste des divers groupes en présence au sein de QS, il n’est vraiment pas surprenant qu’en fin de semaine les délégués aient voté en majorité pour le rejet de toute alliance électorale avec le Parti québécois, un parti qui se préoccupe davantage des intérêts collectifs de la nation québécoise.

En terminant, j’aimerais donner un petit conseil à M. JeanFranço­is Lisée, qui souhaite bien entendu revoir au sein du PQ d’anciens militants de sa formation politique qui ont quitté cette dernière au lendemain du déficit zéro pour créer l’UFP et ensuite QS. C’est bien simple, M. Lisée, si votre formation politique revient à une politique clairement sociale-démocrate, prônant un réel réinvestis­sement en santé et en éducation, sans baisse d’impôt, tout en adoptant un programme réellement environnem­entaliste qui n’aura pas peur de mettre complèteme­nt de côté l’exploitati­on des hydrocarbu­res sur le territoire québécois, vous pouvez être certain que plusieurs membres de QS déçus de la nouvelle tendance qui prévaut au sein de leur parti reviendron­t au PQ d’ici la prochaine élection. Finalement, M. Lisée, ne craignez pas de tenir un discours axé sur la défense des intérêts collectifs de la nation québécoise, comme la promotion de la langue française, de l’histoire et de l’identité québécoise. Toutefois, ne tombez pas à nouveau dans la démagogie avec une nouvelle charte des valeurs.

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