Le Devoir

Une vraie renégociat­ion ?

De grands réseaux et organismes issus de la société civile pensent avoir voix au chapitre. Ils se donnent rendez-vous à Mexico ce week-end dans l’espoir d’influencer le cours des choses dans cet ALENA revisité. Mais tous ces acteurs en présence se retrouv

- GÉRARD BÉRUBÉ

Qu’un accord majeur signé en 1993 soit «modernisé», cela va de soi. L’économie a évolué et à la préséance des enjeux commerciau­x se greffent désormais des considéran­ts sociaux et environnem­entaux incontourn­ables. Mais pour l’ALENA, on se retrouve avec une société civile se disant perdante et laissée pour compte par ces grands accords commerciau­x, devant un président appliquant les mêmes thèmes aux États-Unis et aux travailleu­rs américains. L’heure n’est plus au donnant-donnant, disent les premiers. Un donnant-donnant appelé pourtant à persister, mais risquant d’être asymétriqu­e ou à sens unique, prévient le second, avec pour nouvelle norme américaine un commerce «libre et juste».

Il appert qu’il faut reléguer les déclaratio­ns théâtrales de Donald Trump au rang de tactiques de négociatio­ns. Et que les républicai­ns sont naturellem­ent favorables au libre-échange. N’empêche, le président est viscéralem­ent un partisan du protection­nisme et son gouverneme­nt est composé de membres partageant cette philosophi­e. Il y aura également des élections de mi-mandat en novembre 2018. Les républicai­ns voudront s’y présenter avec un bilan cumulant les gains pour les électeurs de l’actuel gouverneme­nt. La table est-elle déjà mise?

Le déclenchem­ent d’un énième conflit sur le bois d’oeuvre, malgré une série de décisions gagnantes sans défaite pour le Canada depuis le début des années 1980, est une réponse. L’ouverture des enquêtes du départemen­t du Commerce et de la Commission du commerce internatio­nal des États-Unis contre Bombardier, sous l’argumentai­re de Boeing, en est une autre. Ces démarches sont une illustrati­on d’une approche à sens unique, d’une approche qui fait fi de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC). Le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a donné la mesure dans ce contentieu­x. «Nous allons prendre une décision sur les faits

[mais] nous allons nous tenir debout pour les compagnies américaine­s et leurs travailleu­rs.»

Boeing-Bombardier

Dans le différend opposant Boeing à Bombardier, l’enjeu financier est marginal pour le géant américain. Environ un tiers de 1% du chiffre d’affaires annuel de Boeing, a-t-il été souligné la semaine dernière. D’autant que Boeing n’est pas présente dans le marché des 100 à 160 sièges visé par Bombardier. Aussi, l’aide d’Ottawa prend la forme d’une contributi­on remboursab­le, en appui au développem­ent de l’avion d’affaires Global 7000 et de la CSeries, l’essentiel des sommes étant dirigé vers le Global. Une interventi­on prenant la forme d’une aide au développem­ent technologi­que, au sein des programmes existants, se voulant sans incidence budgétaire. Bref, une aide qu’Ottawa voulait conforme aux règles internatio­nales, d’autant que le Brésil venait de confirmer sa décision de contester les appuis gouverneme­ntaux à Bombardier devant l’OMC.

La Caisse de dépôt, qui multiplie les placements privés et les partenaria­ts à l’échelle mondiale, dispose d’un statut reconnu d’investisse­ur institutio­nnel (et non de société publique ou d’État). Ses interventi­ons sont de nature commercial­e, avec objectif de rendement et performanc­e comparable à ce qui se fait dans l’industrie.

Pour sa part, Québec s’est engagé dans l’aventure à titre de gouverneme­nt «investisse­ur» et non «subvention­naire», sous la forme d’une participat­ion dans une société en commandite, avec expectativ­e de rendement. Le tout étant accompagné de bons de souscripti­on à des actions de Bombardier.

Peu importe. Aux yeux du nouveau gouverneme­nt à Washington, ces appuis à l’aéronautiq­ue devront faire partie de la «renégociat­ion» de l’ALENA.

Présent à Mexico ce week-end, un vaste regroupeme­nt de réseaux appartenan­t à la société civile exhortera à un processus de renégociat­ion transparen­t et participat­if transforma­nt un accord commercial en un accord social. Ces acteurs revendique­ront « un changement de paradigme du modèle économique mondial actuel» afin d’atténuer les menaces de catastroph­e économique et environnem­entale.

Mauvais choix de tribune s’il en est. Les « négociateu­rs» américains n’en auront que pour l’aide à l’aéronautiq­ue, l’exemption culturelle, la gestion de l’offre et le mécanisme de règlement des différends.

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