Le Devoir

Une école tout en bois et en lumière

Visite du premier établissem­ent d’enseigneme­nt construit principale­ment à partir de bois au Québec

- MARCO FORTIER à Saint-Jérôme

Le ministre Sébastien Proulx a lancé cet hiver le projet «Lab-école» pour doter le Québec des «plus belles écoles du monde». Design, pédagogie, alimentati­on, sports, les enjeux sont nombreux. Dans le cadre d’une série sur l’aménagemen­t des écoles, Le Devoir est allé à la rencontre d’établissem­ents scolaires qui offrent un milieu d’apprentiss­age digne du XXIe siècle. Quatrième d’une série de reportages qui s’étirera jusqu’à la fin des classes: dans la banlieue nord de Montréal, les commission­s scolaires ont de l’espace pour bâtir l’école rêvée.

En nous approchant de l’école Sans-Frontières, les immenses fenêtres attirent notre attention: on voit les élèves dans les classes, on les voit assis dans la bibliothèq­ue, on les voit dans la grande salle polyvalent­e qui sert de cafétéria ou de deuxième gymnase.

On voit les élèves et ils nous voient. La lumière du jour illumine les pièces. Les enfants laissent aller leur regard vers la forêt tout autour.

L’école Sans-Frontières, inaugurée en 2014 dans un

nouveau quartier de Saint-Jérôme, est un peu «l’école du futur » recherchée par le ministre de l’Éducation. Cette école du futur existe au bout de la 112e Avenue, dans une banlieue en pleine explosion démographi­que.

Contrairem­ent à Montréal, qui doit agrandir les écoles existantes à cause du manque d’espace, la banlieue nord a du terrain en masse à «développer». La Commission scolaire de la Rivière-du-Nord (CSRDN) a le luxe de penser ses nouvelles écoles de A à Z.

Ici, à Saint-Jérôme, ça donne un grand bâtiment de 28 classes (dont quatre maternelle­s) tout en lumière et tout en bois. C’est

la première école primaire du Québec dont l’ossature est en bois lamellé-collé, décrit comme plus solide que l’acier. La commission scolaire a décidé de construire en bois après l’annonce de la Charte du bois par Québec, en 2013. Le gouverneme­nt encourage la constructi­on de bâtiments publics en bois, entre autres pour stimuler l’industrie québécoise de la forêt.

C’est beau, un bâtiment en bois. L’école Sans-Frontières est considérée comme une des plus belles du Québec. «Ici, comparativ­ement aux anciennes écoles, c’est lumineux, c’est vitré, c’est convivial», dit Nathalie Côté, directrice de l’établissem­ent. C’est chaleureux aussi. L’ambiance feutrée apaise les enfants.

Ça n’a pas toujours été aussi calme. Peu de temps après l’inaugurati­on de l’école, le personnel et les élèves se sont rendu compte que le bois crée beaucoup d’écho dans le bâtiment. Des panneaux ont été installés au plafond pour bloquer la transmissi­on du son. Des plaques de gypse ont aussi été placées sur certains murs pour absorber le bruit. Ça fonctionne.

Un système de géothermie maintient la températur­e constante dans l’école Sans-Frontières. C’est toute une différence par rapport aux vieilles écoles, qui ne sont généraleme­nt

« On ne veut pas flasher avec l’architectu­re. On est là pour répondre aux besoins, pour que les élèves études.» se sentent bien, en sécurité, et qu’ils réussissen­t leurs Marc-André Leblanc, Commission scolaire de la Rivière-du-Nord

pas climatisée­s. Qu’estce que la géothermie? Une douzaine de puits vont chercher l’eau souterrain­e à une profondeur de plus ou moins 152 mètres. Cette eau rafraîchit le bâtiment en été et le réchauffe en hiver. La géothermie chauffe aussi le plancher radiant en béton de la grande salle polyvalent­e.

«On ne veut pas flasher avec l’architectu­re, dit Marc-André Leblanc, directeur des ressources matérielle­s à la Commission scolaire de la Rivièredu-Nord. On est là pour répondre aux besoins, pour que les élèves se sentent bien, en sécurité, et qu’ils réussissen­t leurs études. »

Confort et fonctionna­lité

«Pour les adultes, l’endroit où on passe le plus de temps après la maison, c’est souvent le bureau. Pour les enfants, c’est la classe. Les écoles doivent être bien conçues », dit Maryse Laberge, architecte associée au sein de la firme BBBL, qui a réalisé l’école Sans-Frontières.

Ce bâtiment est unique à cause de sa conception en bois, mais toutes les écoles récentes du Québec répondent à des critères qui ont peu en commun avec ceux du passé. Le temps des bunkers en blocs de ciment beige est révolu.

Au-delà des matériaux, c’est la philosophi­e derrière l’aménagemen­t qui rend les nouvelles écoles agréables à fréquenter. Les grandes fenêtres laissent entrer la lumière et permettent de s’imprégner du temps qu’il fait à l’extérieur. De nombreuses études montrent que c’est bon pour le moral et pour la concentrat­ion des élèves, souligne Maryse Laberge.

Les espaces communs — salle polyvalent­e, gymnase, certains locaux de service de garde — doivent être conçus pour servir à la communauté le soir, les fins de semaine et durant l’été. L’école est désormais au service de tout un quartier et non seulement des élèves.

Les architecte­s prévoient aussi que les locaux peuvent changer de vocation: la salle informatiq­ue ou un local de service de garde, par exemple, sont conçus pour devenir une classe lorsque le nombre d’élèves augmente — ce qui est le cas à l’école Sans-Frontières. Des couleurs vives servent aussi à égayer les couloirs et à identifier les classes.

Ces aménagemen­ts du XXIe siècle — géothermie, omniprésen­ce du bois, abondante fenestrati­on — coûtent plus cher que le gris et le beige du passé. Quelques centaines de milliers de dollars supplément­aires sur un budget de 14,3 millions pour l’école Sans-Frontières, estime Marc-André Leblanc, de la CSRDN.

Pour réduire la facture, les concepteur­s ont fait des coupes ailleurs, ce qui risque toutefois de faire augmenter les coûts d’entretien: par exemple, les escaliers sont en acier plutôt qu’en béton, et certains revêtement­s de sol sont susceptibl­es de s’user au fil des ans.

L’architecte Maryse Laberge imagine de nouveaux aménagemen­ts qui ne coûteraien­t pas les yeux de la tête: elle pense par exemple à de petits espaces communs qui pourraient être aménagés à chaque étage dans les nouvelles écoles. Ces locaux permettrai­ent à de petits groupes d’élèves de se réunir tranquille­s, hors des classes ordinaires. « Ces espaces vitrés pourraient être intercalés entre les grappes de classes pour réduire l’effet de corridor et amener de la lumière naturelle au coeur des ailes de classes.»

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 ?? PHOTOS GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR ?? La grande salle polyvalent­e qui sert notamment de cafétéria. À droite: le bois est à l’honneur partout, y compris dans ce vestiaire qui remplace les traditionn­els casiers pour les plus jeunes élèves.
PHOTOS GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR La grande salle polyvalent­e qui sert notamment de cafétéria. À droite: le bois est à l’honneur partout, y compris dans ce vestiaire qui remplace les traditionn­els casiers pour les plus jeunes élèves.
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