Le Devoir

Les relations entre journalist­es et policiers désormais plus formelles

- JEANNE CORRIVEAU

L«Auparavant, on appelait ça des “discussion­s normales”. Aujourd’hui, ce sont des “fuites”. Patrice Carrier, inspecteur-chef au SPVM

es fuites médiatique­s ont toujours existé au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), mais les communicat­ions se sont beaucoup resserrées au cours des dernières années, a expliqué l’inspecteur-chef Patrice Carrier devant la commission Chamberlan­d vendredi.

Patrice Carrier est ce policier qui, en novembre 2014, avait alerté ses supérieurs d’une rencontre entre son patron, Denis Mainville, et le journalist­e de La Presse Daniel Renaud aux bureaux du SPVM à la Place Versailles. Ce qui le préoccupai­t, c’était que, quelques jours plus tard, La Presse avait publié une série d’articles au sujet d’une enquête du SPVM sur une collision impliquant un policier de la Sûreté du Québec (SQ).

«La rencontre avec Daniel Renaud me laissait perplexe quant au timing des premiers articles dans La Presse. J’avais une certitude qu’il y avait eu une fuite, mais j’ai une incertitud­e sur sa provenance», a indiqué Patrice Carrier.

L’inspecteur-chef avait par la suite demandé que des vérificati­ons soient faites, notamment sur les courriels des employés du module homicides et vols qualifiés, afin de voir s’ils avaient eu des communicat­ions avec des journalist­es.

Les tournois de golf

Les fuites dans les médias ne sont pas nouvelles, mais le contexte a changé, a dit Patrice Carrier: « Autres temps, autres moeurs. Lorsque j’étais chef d’équipe à la Section des crimes majeurs en 2010, les membres des médias participai­ent à nos tournois de golf ou aux activités sociales.»

Depuis, de nombreuses restrictio­ns ont été imposées dans les communicat­ions entre policiers et journalist­es. «Maintenant, c’est beaucoup plus structuré. [Les communicat­ions] doivent faire l’objet d’autorisati­ons. Ce sont les porte-parole ou les relationni­stes qui parlent aux journalist­es », a-t-il dit.

Y a-t-il plus de fuites ? « Auparavant, on appelait ça des “discussion­s normales”. Aujourd’hui, ce sont des “fuites”», a-t-il indiqué.

Bureau vitré

Témoignant immédiatem­ent après Patrice Carrier, l’ex-commandant Denis Mainville a nié avoir transmis des informatio­ns confidenti­elles à Daniel Renaud. Il avait rencontré le journalist­e dans son bureau qui était vitré. Tout le monde pouvait le voir, a-t-il rappelé.

On lui a finalement reproché d’avoir contrevenu aux consignes du SPVM en matière de communicat­ions avec un journalist­e et le policier s’est vu imposer une suspension de 10 jours: « J’ai trouvé ça déraisonna­ble. En 30 ans, je n’avais jamais dérogé à une règle. »

Denis Mainville a finalement pris sa retraite en mars 2015. En revanche, la source de la fuite n’a jamais été trouvée.

La police des polices

L’analyste en affaires policières Stéphane Berthomet et le policier Roger Larivière ont également témoigné pour relater leur rencontre dans un restaurant en octobre 2014. Quatre policiers qui se trouvaient par hasard dans le restaurant ont jugé cette rencontre suspecte et une enquête interne a été ouverte.

Roger Larivière a expliqué qu’en fait, il souhaitait accéder à deux journalist­es de Radio-Canada, Alain Gravel et Isabelle Richer, pour dénoncer la division des affaires internes du SPVM, «la police des polices».

Roger Larivière a même participé au tournage de l’émission Enquête, dans laquelle il affirmait que des policiers de la division des affaires internes avaient fait des «témoignage­s contradict­oires» devant les tribunaux.

Le policier a toutefois été visé par une perquisiti­on en 2015 et l’émission n’a jamais été diffusée. «Les informatio­ns que j’avais auraient vraiment mis dans le pétrin la division des affaires internes», a-t-il déclaré.

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