Le Devoir

Violence budgétaire

-

Donald Trump a fait preuve cette semaine à Bruxelles d’une rudesse, verbale et physique, qui a laissé un peu tout le monde pantois. Hostilité verbale à l’endroit de ses partenaire­s de l’OTAN, qu’il a tancés sans subtilité pour l’insuffisan­ce de leur contributi­on au financemen­t de l’alliance. Physique pour la manière dont il a écarté de son chemin le premier ministre du Monténégro au moment de prendre la «photo de famille» du sommet. Cette incivilité n’est rien pourtant en comparaiso­n de la violence des coupes contenues dans le premier budget de son gouverneme­nt, dont des détails ont été rendus publics mardi dernier à Washington — en l’absence inusitée d’un président parti se couvrir de ridicule à l’étranger.

C’est un budget qui, contre tout entendemen­t électoral, se trouvera à nuire directemen­t à nombre de laissés pour compte du rêve américain qui ont voté pour M. Trump en novembre dernier en croyant voir en lui la promesse d’être enfin écoutés. Un budget que l’imbuvable Ben Carson, nouveau secrétaire du départemen­t de l’Habitation et du Développem­ent urbain, un ministère dont la mission est de donner un toit à des millions d’Américains à revenu modeste, a défendu en affirmant que la pauvreté était «dans une large mesure un état d’esprit»…

La propositio­n budgétaire s’intitule «A New Foundation for American Greatness». Grandeur militaire et policière avant tout: on savait déjà que c’est la Défense qui allait voir son budget croître le plus substantie­llement. On sait maintenant que les sommes affectées à la lutte contre l’immigratio­n illégale vont également augmenter de manière sensible — de plus de 2,5 milliards $US, dont environ la moitié serait consacrée aux travaux de constructi­on de son mur à la frontière mexicaine.

Par compensati­on, la conception présidenti­elle de la «grandeur» prévoit des coupes sombres dans le filet de sécurité sociale. Les principaux programmes destinés aux personnes âgées à revenu modeste sont épargnés. Mais il est proposé, entre autres mesures, de soustraire 800 milliards au budget de Medicaid, le programme fédéral d’assurance maladie pour les pauvres, ce qui contribuer­a, comme vient encore de le calculer le Bureau du budget du Congrès, à priver 23 millions d’Américains d’une couverture qui leur aurait été accessible sous l’«Obamacare».

Ce budget fera forcément l’objet d’une négociatio­n avec le Congrès. Il n’a aucune chance d’être approuvé en l’état, d’autant moins qu’en l’occurrence, il va trop loin pour un grand nombre de républicai­ns du Congrès, y compris même parmi ses ultraconse­rvateurs. Ce qui n’est pas peu dire. Il n’y a apparemmen­t pas de limites à la mesquineri­e dont est capable ce milliardai­re.

 ??  ?? GUY TAILLEFER
GUY TAILLEFER

Newspapers in French

Newspapers from Canada