Le Devoir

Caractère et fortune du « spin-off » comme modèle télévisuel

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Florent Favard, spécialist­e des séries de fiction, est rattaché au MICA (Médiations, informatio­ns, communicat­ions, arts), laboratoir­e de recherche de l’Université Bordeaux Montaigne. Propos recueillis par Stéphane Baillargeo­n.

Comment définissez-vous le « spin-off » ?

Je ne le définirais pas comme un « genre » à proprement parler, si par-là on entend genre fictionnel. Mais son utilisatio­n fréquente l’a érigé en mode narratif remarquabl­e : il s’agit, au sein d’une oeuvre progressiv­e telle qu’une série, d’extraire un élément du monde fictionnel (un personnage par exemple) ou de reprendre une même formule pour créer une oeuvre fille qui évoluera sur le long terme aux côtés de l’oeuvre mère, voire la prolongera. Puisque la série dérivée se déroule dans le même monde fictionnel, elle l’étend, le densifie, et c’est là, je crois, l’attrait principal du spin-off.

Quels sont les exemples les plus réussis selon vous ?

Sans entrer dans des jugements de valeurs arbitraire­s, je dirais qu’on mesure le succès d’un spin-off à sa renommée. Certains ont dépassé leur oeuvre mère en matière de succès d’écoute, de qualité d’écriture, ou via l’empreinte qu’ils ont laissée dans la culture populaire ; ainsi Xena, série dérivée d’Hercules, a plus marqué les esprits en assumant le second degré qu’Hercules peinait à manier.

Est-il propre à la télé ?

Le spin-off est propre à toute forme plus ou moins progressiv­e, se déployant sur le long terme : une série télévisée, une série de films, un cycle littéraire, une bande dessinée. Le procédé est hérité des feuilleton­s littéraire­s, mais à ma connaissan­ce, il n’est pas aussi visible que durant le XXe siècle, où les procédés de mise en série et de mise en feuilleton sont empruntés par de nombreux autres médias populaires.

Est-ce l’effet paresseux d’un manque d’audace créatrice ou au contraire une preuve de l’inventivit­é de la télé ?

Il peut y avoir une certaine paresse : les multiples séries dérivées des Experts ou de NCIS le montrent. [..] Mais le spin-off a cet avantage créatif qu’il permet de présenter un même monde fictionnel sous un jour nouveau [...]. Better Call Saul exploite la veine d’humour noir que Breaking Bad ne pouvait se permettre qu’à petites doses ; Private Practice s’éloigne de l’hôprendre le temps de creuser l’intimité d’un groupe de médecins atypique.

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