Henri Texier, le chaman du jazz
Avec ses complices, il livre deux albums aussi passionnants qu’excitants
Henri Texier est le chaman du jazz. Il l’est tellement, qu’il l’est sans contredit. Lui et les lointains esprits qu’il fréquente puisqu’il est leur intercesseur se sont manifestés récemment à deux reprises. Une fois en public, une fois en studio. En public? Cet immense compositeur et tout aussi immense compositeur ainsi que sa formation ont été enregistrés au Theater Gütersloch en Allemagne dans le cadre d’une série dont le titre en dit long: European Jazz Legends. Intitulé Dakota Mab, cet album a été publié par la maison Intuition.
L’album en studio? Il a été réalisé en septembre 2015 à Amiens au bénéfice de Label Bleu. Il vient de sortir sous le nom de Sky Dancers avec un collage de Jacques Prévert en guise de pochette. Prévert qui fit dire à Arletty le commentaire le plus réaliste qui soit lorsqu’à la question du commissaire «comment vous appelez-vous?» elle répondit : «Mais Monsieur le Commissaire, je ne m’appelle jamais. » C’était dans Les enfants du paradis.
Toujours est-il que ce Sky Dancers est fait de pièces écrites en hommage aux Indiens d’Amérique du Nord. Les titres sont autant de manifestes : Mic Mac, Dakota Mab dédié à Prévert, Cloud Warriors, He Was Just Shining, Mapuche, Hopi, Navajo Dream, Comanche et Paco Atao. Concernant la géographie musicale de Texier, on se rappellera qu’il fut éclaireur des routes africaines en compagnie du batteur Aldo Romano et du clarinettiste Louis Sclavis lors de la confection du splendide Carnet de routes, toujours pour Label Bleu.
Pour mener à bien son périple amérindien, Texier s’est associé des forts en thème comme en version: son très solide fils Sébastien aux saxophones et aux clarinettes, François Cantaloup, poids lourd du baryton, l’étonnant guitariste Nguyên Lê, le subtil Armel Dupas au piano et le maître en cohésion Louis Moutin à la batterie.
Le résultat n’est rien de moins qu’un chef-d’oeuvre. Par la facture, l’esprit, les tonalités choisies, il fait penser à ce sommet réalisé par Mingus dans les années 70 et intitulé Changes One et Changes Two. Ce Sky Dancers est au diapason de ce Changes. Car Texier, comme Mingus, mais aussi Art Blakey, Shelly Manne et The Art Ensemble of Chicago, n’est pas un chef de bande, car il se pose toujours au carrefour des qualités musicales de ses compagnons. Il ne commande pas, il relaie.
Ce qu’il y a de magique dans l’histoire du jour, c’est que Dakota Mab propose les versions enregistrées en public des pièces de Sky Dancers, augmentées d’un hommage à Elvin Jones baptisé Ô Elvin, des pièces d’une grande originalité. En effet, rien dans ces albums n’est prévisible. Aucun lieu commun, aucun poncif. C’est sans bavure et toujours convaincant.
Pour dire les choses tout simplement, Henri Texier et ses complices forment le groupe le plus passionnant, le plus excitant du Vieux Continent. Et de loin.
Mickey Roker, que ceux qui parmi vous fréquentaient Le Soleil Levant dans les années 70 ont vu souvent puisqu’il était le batteur de Dizzy Gillespie, est mort le 22 mai dernier à Philadelphie. Sa maîtrise de la précision était si prononcée qu’il fut un accompagnateur très demandé. Il a joué en effet auprès d’Ella Fitzgerald, de Sonny Rollins, de Hank Jones, d’Oscar Peterson et d’une foule d’autres. Il avait 84 ans. Reste à l’écouter sur les albums Pablo de Gillespie.
Avis aux chanteurs en herbe: la 6e édition du Sarah Vaughan International Jazz Vocal
Competition se tiendra le 12 novembre prochain au New Jersey Performing Jazz Arts Center. Les personnes intéressées doivent fournir un minimum de trois pièces enregistrées à sarahvaughancompetition.com avant le 5 septembre. Les noms des cinq finalistes seront dévoilés le 10 octobre et ceux-ci se produiront donc le 12 novembre. Le vainqueur recevra une bourse et un contrat d’enregistrement de Concord Music Group.
En hommage à Sonny Rollins, un énorme concert a été organisé par le Queens Jazz Orchestra et le saxophoniste et compositeur Jimmy Heath. Ces derniers vont interpréter les compositions de Rollins comme St
Thomas, Oleo et autres au Flushing Town Hall de New York le 9 juin. Le spectacle sera enregistré pour une éventuelle publication.
Dans le courant du mois de juin, de nouveaux disques de Dave Liebman avec Joe Lovano — il s’agit d’un hommage à John Coltrane —, du pianiste Ahmad Jamal, du trompettiste Ambrose Akinmusire seront distribués.
Au Diese onze ce samedi soir, l’excellent saxophoniste Dave Turner occupera la scène en compagnie de la pianiste Kate Wyatt et du batteur Jim Hillman. À compter de 21 h.