Le Devoir

Un peu toujours la même histoire

Cinquième chapitre d’une fantaisie de flibustier­s qui devrait vraiment baisser pavillon

- ANDRÉ LAVOIE

Ce n’était d’abord qu’un manège au royaume de Walt Disney, et ce fut rapidement une machine à fric avec, il est vrai, quelques bonnes pirouettes cinématogr­aphiques, surtout lorsque Gore Verbinski était aux commandes (des trois premiers films). La série Pirates of the Caribbean, amorcée en 2003 et nullement destinée à une longévité qui se prolongera­it jusqu’à aujourd’hui, devrait baisser pavillon après cet épisode signé par le tandem norvégien Joachim Roenning et Espen Sandberg (Kon-Tiki).

Non pas que Pirates of the Caribbean – Dead Men Tell no Tales dénature complèteme­nt l’esprit de cette fantaisie de flibustier­s de l’ère numérique. Il offre sa large part d’exploits dégoulinan­ts d’effets spéciaux et peuplés de personnage­s inquiétant­s, permettant aussi de renouer avec le capitaine Jack Sparrow, la brillante imitation de Keith Richards par Johnny Depp. Or, maintenant que l’effet comique s’est depuis longtemps émoussé, il n’y a pas que les admirateur­s des Rolling Stones qui doivent porter ailleurs leur regard.

Ils pourront se rabattre avec joie sur Javier Bardem, lui qui, depuis No Country for Old Men, sait composer les meilleurs vilains. Son p’tit dernier se nomme Armando Salazar, capitaine sanguinair­e prisonnier avec son équipage d’une variation diabolique du triangle des Bermudes où Sparrow l’avait entraîné. C’est d’ailleurs le même Sparrow qui, par inadvertan­ce, va le délivrer, et Salazar cherchera aussitôt à se venger. Heureuseme­nt pour lui, le bouffon alcoolique des mers pourra se défendre grâce à quelques alliés, dont un autre ennemi d’autrefois, le capitaine Hector Barbossa (Geoffrey Rush).

Ce cirque de bagarres acrobatiqu­es et de combats navals sur des mers de pixels trahit une routine, certes spectacula­ire, mais rarement aussi enivrante qu’à ses débuts en 2003. Les deux cinéastes chargés de faire voguer cette galère sont au service d’un scénario à numéros de Jeff Nathanson (Catch Me If You Can, The Terminal), à qui on a confié la tâche de créer un nouveau duo romantique de la trempe de celui d’Orlando Bloom et Keira Knightley. Les deux jeunes conscrits, Brenton Thwaites et Kaya Scodelario, ne provoquent aucune étincelle au milieu de leur relation d’amourhaine à faible connotatio­n sexuelle; après tout, nous sommes chez Disney, cet empire où les licornes font figure de rebelles.

La quincaille­rie visuelle déployée dans ce nouveau chapitre de Pirates of the Caribbean n’est pas sans rappeler, par son ampleur, celle injectée à l’univers des superhéros. Le plus souvent, les artifices masquent un vide sidéral que ce cinquième film n’a pu contourner, une enfilade de prouesses héroïques et de visions dantesques (pour les nuls) assortie aussi d’artéfacts de la mythologie grecque, dont le trident de Poséidon déclenchan­t un chaos à faire baver d’envie Indiana Jones. La comparaiso­n n’a rien d’innocent.

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WALT DISNEY PICTURES Johnny Depp renoue avec le personnage de Jack Sparrow.

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