Le Devoir

Pimenté à l’humour BGL

Un documentai­re à l’image du collectif de Québec, drôle et intelligen­t

- JÉRÔME DELGADO

Àla fois sérieux et joueurs, cabotins par moments, et surtout passableme­nt occupés: les trois membres de BGL, le collectif chouchou de l’art contempora­in québécois, se livrent à la caméra sans compromis dans BGL de fantaisie. Et sans cacher leur nouveau fétiche: un Ganesh, ce dieu à tête d’éléphant très populaire en Inde, qu’ils disent avoir trouvé sur une route secondaire. BGL, c’est une main dans l’art populaire, une autre dans les références les plus inattendue­s. Voilà le groupe (faussement) hindouiste et le film en est joliment imprégné — par la musique originale de Simon Bélair, notamment.

Auteur depuis vingt ans d’installati­ons mémorables, entre la bricole qui fait sourire et l’oeuvre complexe qui fait réfléchir, le trio est surtout reconnu pour son travail du bois et la récupérati­on de matériaux les plus banals. Dans le documentai­re que leur consacre Benjamin Hogue (Lemoyne), il s’avère aussi qu’ils se sont toujours plu à se jouer des images, y compris la leur. Aura-t-on oublié qu’ils ont jadis roulé dans les rues de Québec en costumes jaune nanane pour l’oeuvre Rapides et dangereux (2005) ?

Le cinéaste a eu le nez fin. Il a approché les artistes au moment où ils s’apprêtaien­t à vivre une période intense de créativité. Il les a suivis pendant de longs mois jusqu’à l’aboutissem­ent simultané de trois projets, deux imposantes oeuvres d’art public, l’une à Montréal-Nord, l’autre à Toronto, et la transforma­tion du pavillon canadien de la Biennale de Venise.

Savoureux portrait pimenté d’humour, BGL de fantaisie ne fait pas que s’attarder à décortique­r les oeuvres en cours de réalisatio­n. Hogue a eu l’intelligen­ce de puiser dans la montagne d’archives qui s’accumule autour de BGL depuis leurs années universita­ires. Montagne qu’il exploite avec brio.

Anachronis­mes

La séquence d’ouverture est magnifique, elle qui sert à nommer qui se cache derrière chaque lettre de l’acronyme. Elle s’appuie sur un petit film du trio, réalisé à l’époque où Bilodeau, Giguère et Laverdière, étudiants à l’Université Laval, ne portent pas encore la barbe. Hogue nous les identifie, tout en conservant la part de mystère qu’ils aiment cultiver.

Tout le récit est dans cet esprit anachroniq­ue, dans ce mélange de sources, entre les images (nettes) tournées par Hogue et les documents parfois volontaire­ment flous, entre l’entrevue officielle et le murmure capté (presque) en catimini, entre le sérieux du propos et le plaisir à rire. Raconter trois oeuvres en gestation était déjà tout un défi. Le réalisateu­r n’a pas eu peur de se compliquer la tâche en proposant une véritable rétrospect­ive. Ses choix s’avèrent pour la plupart cohérents, liant les installati­ons à venir à celles d’hier.

Avec bonheur, BGL de fantaisie fait renaître plusieurs des oeuvres phares. Il faut dire que le trio a lui-même documenté, en images et en commentair­es loufoques, ses installati­ons souvent éphémères. Avec raison aussi, cette renaissanc­e : Buffet froid (2000) et À l’abri des arbres (2001) ont quelque chose du labyrinthe anticonsom­mation de Canadassim­o (2015), le projet de Venise. Recycleur de matériaux et d’idées, BGL l’a finalement toujours été. Ganesh veille à ça.

 ?? LA SOUTE ?? Le trio a jadis roulé dans les rues de Québec en costumes jaune nanane pour l’oeuvre Rapides et dangereux (2005).
LA SOUTE Le trio a jadis roulé dans les rues de Québec en costumes jaune nanane pour l’oeuvre Rapides et dangereux (2005).

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