Anna Gavalda de retour au milieu du vrai monde
Anna Gavalda explore en sept tableaux ces peurs qui sont des obstacles à la vie
Ça commence fort par l’histoire de cette fille, vendeuse dans une animalerie, qui se prépare pour aller à une fête, «un truc de bourges», où elle n’a pas super envie d’aller. Parce qu’elle est crevée.
Elle met bien de la couleur dans ses mots. Et de l’humour : «J’étais chez ma copine Samia. Je mangeais des pâtisseries de sa mère en la regardant qui se lissait les cheveux, mèche après mèche après mèche après mèche. Ça prenait des plombes. Genre porter le voile, à côté, c’était la libération de la femme», relate-t-elle au commencement d’une soirée qui va la placer, malgré elle, sur le chemin de l’amour. Et de la poésie.
Et puis, ça continue, avec une histoire de séparation et d’alcoolisme, avec la déclaration d’amour d’un gars à une fille qui, malheureusement pour lui, n’aime qu’aller manger chez McDo. Il est aussi question d’un chien qui va mourir, et l’on rencontre un expert en sinistre d’une compagnie d’assurances qui va faire face à une sinistre affaire impliquant son jeune fils, une école et un pneu. Des gens ordinaires, y compris dans leur diversité et leur singularité, comme la romancière Anna Gavalda aime bien les raconter, et qui habitent ce nouveau recueil de nouvelles où la peur de soi-même et les mensonges que l’on se raconte parfois pour affronter la vie donnent sans doute la tonalité à ce tout fragmenté.
Fendre l’armure — c’est son titre, évocateur — poursuit en sept tableaux l’oeuvre sociale, documentaire et romanesque de la femme derrière Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part (1999), Ensemble, c’est tout (2004) et La vie en mieux (2014), et il le fait avec la même recherche de l’émotion dans la banalité des quotidiens qu’elle met ici en scène. Du vrai monde, comme on dit pour baliser les lieux communs, pris dans de vraies histoires de vie, avec de vrais problèmes, tous fabulés par Gavalda. « À chaque fois que j’ai commandé des trucs en me fiant aux photos, j’ai été déçue par le résultat, dit l’un d’eux en parlant d’Internet. Les gens, y sont tarés avec leurs ordinateurs. Ils y croient à fond alors que c’est juste de la marchandise à vendre dans une vitrine lumineuse.»
Huitième ouvrage en carrière, ce bouquin se dévoile surtout comme une recette qui se réécrit encore sous les yeux du lecteur, en changeant à peine ses ingrédients. La peur d’exister, le poids du regard des autres, les clivages sociaux qui paralysent et nuisent à l’audace : tout est là, au coeur de récits dont plusieurs sont un peu plus séduisants que d’autres, et qui dans l’ensemble contiennent ce qu’il faut pour un peu surprendre, mais surtout pas trop bousculer.