Trois décennies à tisser des liens
L e colloque annuel du réseau Les Arts et la Ville se déroulera à Montmagny du 31 mai au 2 juin sous des airs de festivités alors que le réseau célèbre son 30e anniversaire. Avec plus de 500 municipalités et 140 organismes culturels et alliés de la culture comme membres, force est de constater que l’organisme est venu répondre à un besoin réel des différentes communautés d’échanger afin d’utiliser pleinement le potentiel de la culture pour développer leur milieu de vie.
« On sait aujourd’hui que la culture est très importante pour attirer et retenir des jeunes dans une municipalité », constate Lynda Roy, directrice générale du réseau Les Arts et la Ville. Or, il y a 30 ans, elle se souvient qu’on était complètement ailleurs. « On ne voyait pas comment les arts et la culture pouvaient contribuer au mieux-être des gens, ajoutet-elle. Aujourd’hui, tous ne sont pas encore convaincus, mais ce discours reçoit plus d’écho. »
Dominique Violette, directrice générale du Carrefour international de théâtre et coprésidente du réseau Les Arts et la Ville, constate aussi l’ampleur de l’évolution, particulièrement dans les petites localités éloignées. « La perception qu’on a des arts et de la culture, de leur valeur et de leur pouvoir transformateur pour les citoyens et la communauté a évolué de façon incroyable », affirme-t-elle. Malgré ses contraintes de moyens, le réseau a fait beaucoup, d’après la coprésidente, pour valoriser ces actions, réunir les gens, leur donner des outils et les mobiliser dans un processus de recherche de solutions pour le développement local. Le salutaire échange de bonnes pratiques
Rouyn-Noranda, dont le maire, Mario Provencher, est arrivé à la coprésidence du réseau Les Arts et la Ville l’an dernier, est un exemple de ville en région éloignée qui a su s’imposer en matière de
culture. D’abord, le Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue a préparé la voie il y a 36 ans. Puis, en 1997, la Ville adoptait une politique culturelle qui a mené à la création d’un comité culturel permanent. Ce fut le point marquant d’un virage important, constate le maire. « Avant, on était plus axé sur l’industrie minière, qui est majeure chez nous, dit-il. D’ailleurs, maintenant, c’est facile pour nous d’obtenir de l’argent des grandes minières pour réaliser des projets culturels. La concurrence est féroce et elles voient la culture comme un moyen de rétention de la main-d’oeuvre. »
Puis, d’autres joueurs sont arrivés, par exemple le Festival de musique émergente et le Festival des guitares du monde à Rouyn-Noranda, qui vient de se jumeler avec la Ville de Caraquet pour s’appuyer en matière de culture. En 2012, Rouyn-Noranda, autoproclamée capitale culturelle du Canada alors que Patrimoine Canada avait exclu de son concours les villes de moins de 125 000 habitants, avait accueilli le colloque annuel Les Arts et la Ville.
Ces colloques sont d’ailleurs, pour Dominique Violette, des moments fort importants pour former, outiller et émuler les différents acteurs du développement culturel. « Ça fait du bien de rencontrer différents intervenants très actifs dans leur milieu qui ont à coeur le développement de la culture, qui réalisent Citoyenneté culturelle des choses intéressantes souvent avec peu de ressources et qui partagent leurs bonnes pratiques », affirme-t-elle.
La culture est le quatrième pilier du développement durable, aux côtés du développement social, de l’économie et de l’environnement, d’après l’Agenda 21 de la culture, adopté par Cités et gouvernements locaux unis. Le réseau Les Arts et la Ville s’est inspiré de cet Agenda 21 pour créer le thème de son colloque de cette année: «La citoyenneté culturelle : un art de vivre. Authenticité, créativité, diversité ». «Les citoyens doivent faire partie des projets culturels parce que c’est lorsqu’ils s’y sentent impliqués qu’ils voient leur vie en bénéficier et que les projets deviennent générateurs de fierté », affirme Lynda Roy. « À quoi rêvent les citoyens ? demande Dominique Violette. Quels sont leurs besoins ? Dans quel milieu veulent-ils vivre ? Les artistes ont énormément à donner dans une telle démarche,
affirme-t-elle. La culture est en train de prendre une place plus réfléchie, plus consciente dans les milieux de vie. »
Par exemple, la Ville de Rouyn-Noranda se considère comme un véhicule d’accompagnement pour la réalisation de projets culturels, dès leurs balbutiements. « Pour moi, la culture appartient aux citoyens, affirme Mario Provencher. Pratiquement tous les projets viennent de la base. Environ les trois quarts des infrastructures culturelles appartiennent à des organisations à but non lucratif chez nous et la Ville donne du soutien au fonctionnement. » Le maire en constate aujourd’hui les impacts. « Nous avons connu un retour massif des jeunes en Abitibi parce que ce sont généralement des jeunes qui gravitent autour de ces projets », remarque-t-il. Pour soutenir les communautés dans la sélection de projets porteurs, Les Arts et la Ville a d’ailleurs réalisé des cliniques culturelles récemment. « Nous avons réuni les différents acteurs de certaines communautés pour énumérer les possibilités et en discuter, pour arriver ensuite à des recommandations de projets prioritaires », explique Lynda Roy. Ce qu’il reste à accomplir
Si les réalisations du réseau Les Arts et la Ville sont nombreuses, d’autres sont en train de se développer. Par exemple, avec ses nouveaux membres, comme la Fédération québécoise des municipalités, et de plus en plus de municipalités régionales de comté (MRC). Mario Provencher s’est lui-même donné comme mission en arrivant à la coprésidence de convaincre davantage de ses homologues d’assister au colloque annuel. « Ça prend plus de maires présents parce qu’ils sont les chefs d’orchestre dans les villes », affirme-t-il. Dominique Violette est convaincue que les impacts du travail de Les Arts et la Ville pourraient être beaucoup plus importants si le réseau était davantage soutenu par les gouvernements. « On dit souvent que les organismes font des miracles avec de petits budgets, mais à un moment donné, ce n’est plus drôle, affirme-t-elle. Alors qu’on attend une nouvelle politique culturelle prochainement au Québec, il faut mieux reconnaître l’importance du réseau Les Arts et la Ville pour l’ensemble du territoire. »