Changer le monde, une vision et un engagement à la fois
C
omment devient-on un agent de changement dans sa communauté ? Les participants aux tables rondes du 30e colloque Les Arts et la Ville sont nombreux à en être des modèles. Entretien avec trois d’entre eux.
Lorraine Simard est convaincue que le développement durable est la voie de l’avenir. Plus encore, elle tente de faire adopter la notion de culture comme quatrième pilier du développement durable, aux côtés des piliers social, environnemental et économique. Elle crée donc son entreprise en 2009 en suivant davantage son désir d’innover que les tendances du marché et convainc une personne à la fois d’adhérer à sa vision. « J’ai osé par conviction, raconte-telle. Je change les choses une vision et un engagement à la fois. »
L’entrepreneure est bien placée pour savoir que les agents de changement ne cachent pas de baguette magique dans leur sac. Il lui faut être persuasive et persévérante. Et ça fonctionne.
Avec le temps, Lorraine Simard s’est positionnée en véritable experte du développement durable et de la culture du changement. Miroir de sa vision en développement durable, l’organisme Comité 21 Québec, que l’entrepreneure fonde en 2013, a fait des petits, comptant aujourd’hui des branches régionales et internationales. De plus, le programme de mobilisation pour le développement durable lancé avec son Comité 21 de Vaudreuil-Soulanges prend une telle ampleur qu’un projet conjoint entre les 23 municipalités de la région se dessine tranquillement. Un colloque international sur la culture comme quatrième pilier du développement durable, qui aura lieu en 2018, est aussi coorganisé par son Comité et le Conseil des arts et de la culture de VaudreuilSoulanges (CACVS).
« Parfois, je me sens épuisée, avoue-telle en rigolant. Mais c’est merveilleux quand je réussis à allumer une étincelle et à convaincre des gens de ma vision, même s’il a fallu quatre rencontres de trois heures pour y arriver ! »
« Le changement est progressif, il se fait
un pas à la fois », renchérit pour sa part Nadine Maltais, directrice générale du CACVS, qui collabore avec Mme Simard à Vaudreuil-Soulanges. Convaincue depuis longtemps de l’importance de la culture dans le développement durable, Nadine Maltais est elle aussi une agente de changement dans sa communauté. Au fil du temps, elle a su donner une plus grande importance à la culture au sein de la MRC. « Il a d’abord fallu faire connaître la culture, puis la faire vivre à nos élus, explique-t-elle. C’est ainsi que le changement survient, et que le terreau devient plus fertile. »
La force du réseau
Le succès de toute tentative de changement ne repose pas sur un, mais sur l’ensemble des parties prenantes touchées par un projet, insiste Lorraine Simard. C’est pourquoi elle s’évertue à mettre tout le monde en réseau par le truchement des Comités 21.
Puis, un agent de changement peut en inspirer d’autres à le devenir. « On travaille à un projet d’éco-parc à Rigaud,
raconte Mme Simard. Pour la plupart, le développement durable n’a qu’une dimension environnementale. Ceux qui ne comprenaient rien à ma vision au début sont maintenant les grands défenseurs de la culture dans l’éco-parc. »
Et c’est maintenant la MRC de Vaudreuil-Soulanges au complet qui devient un acteur de changement. « Le ministère de la Culture regarde beaucoup ce qu’on fait actuellement, se ré
jouit Lorraine Simard. On espère que la MRC sera l’élément déclencheur qui inspirera d‘autres villes et associations. »
Les deux femmes sont optimistes
quant à leur vision d’avenir. « Ça prend beaucoup de passion et d’énergie pour être un agent de changement, mais à mon avis, les gens sont de plus en plus conscients que le statu quo n’est plus possible si on veut que notre société progresse en matière de développement durable, avance Nadine Maltais. Il faut former et éduquer les futures générations à devenir elles-mêmes des ambassadrices. »
Militant dans l’âme
Richard Nicol préfère pour sa part qu’on parle de lui comme d’un militant plutôt que comme un agent de changement. « Le terme me semblait déjà galvaudé quand je l’ai entendu pour la première fois en 1974 à l’université, se souvient-il. On disait que les récréologues devaient être des agents de changement dans leurs communautés. J’étais déjà un militant et je défendais la place des citoyens dans la démocratie dans le domaine du loisir. » Sa position était plutôt inhabituelle à l’époque et l’est encore aujourd’hui. « Le travail est considéré comme le
moteur principal de l’intégration, mais c’est à mon avis une fausse idée », explique-t-il. Coordonnateur du bénévolat et de la vie communautaire à La Maisonnée, un organisme qui accompagne les immigrants dans leur intégration, M. Nicol met sa théorie en pratique depuis plusieurs années et voit qu’elle porte ses fruits. « Mais actuellement, tout le financement gouvernemental pour l’intégration est consacré à l’emploi
et à la francisation », déplore-t-il. Pour documenter leurs pratiques et démontrer leur plus-value, M. Nicol et La Maisonnée ont mis sur pied un groupe de recherche avec l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui se penchera sur la place des loisirs dans l’intégration des immigrants.
La mission de Richard Nicol en est une de longue haleine, mais il le sait depuis longtemps. « Les agents de changement ont d’abord un gros travail d’éducation et de sensibilisation à faire, affirme-t-il. Ils doivent travailler à outiller les citoyens pour qu’ils puissent réfléchir, s’exprimer, agir. »