Le Devoir

Commission Chamberlan­d

- JEANNE CORRIVEAU

Le chef du SPVM s’est fait l’agent de liaison du maire

L’ancien directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Marc Parent, a dit avoir servi de courroie de transmissi­on pour le maire Coderre qui l’avait appelé pour un dossier personnel. Devant la commission Chamberlan­d, l’exchef de police a cependant affirmé n’avoir subi aucune pression de la part du maire.

M. Parent a relaté l’appel qu’il a reçu de Denis Coderre en décembre 2014 concernant un constat d’infraction du maire qui s’était retrouvé entre les mains du journalist­e Patrick Lagacé. Directeur du SPVM de 2010 à 2015, Marc Parent a vu quatre maires se succéder à l’Hôtel de Ville, soit Gérald Tremblay, Michael Applebaum, Laurent Blanchard et Denis Coderre.

Mais l’ancien directeur a indiqué que Denis Coderre était le seul maire à avoir communiqué avec lui pour un dossier personnel. La séparation des pouvoirs était toutefois claire, et le maire le savait, a-t-il rappelé.

«Je n’ai jamais senti de pression de sa part. Je n’ai pas non plus assuré un suivi pressé et pressant de ce dossier », a-t-il expliqué. «Ce n’était pas exceptionn­el que le maire me parle. […] Pour moi, c’était un appel qui était relativeme­nt anodin. »

Le «citoyen Coderre»

En contre-interrogat­oire, Marc Parent a indiqué qu’il n’avait pas songé à inviter Denis Coderre à s’adresser à son poste de quartier, comme aurait dû le faire tout citoyen voulant porter plainte.

«Ça aurait été difficile dans son cas. On parle du premier magistrat de la ville. Il y a

une question d’informatio­n privilégié­e qui se serait retrouvée entre les mains de tierces parties», a expliqué M. Parent. « Le directeur peut faire la courroie de transmissi­on avec les personnes appropriée­s. »

Cette affaire a toutefois conduit la division des affaires internes du SPVM à placer le téléphone cellulaire de Patrick Lagacé sous surveillan­ce, ce qu’ignorait Marc Parent au moment des événements.

L’affaire Davidson

Au fil des ans, le SPVM a resserré les règles encadrant les communicat­ions avec les médias.

Marc Parent a relaté qu’avant son arrivée en poste, le SPVM recevait 25 000 demandes par année. À l’époque, les journalist­es pouvaient appeler directemen­t les commandant­s des différente­s unités.

«Ça ne fonctionna­it pas très bien», a-t-il dit, car les appels des journalist­es demeuraien­t parfois sans réponse.

Marc Parent a expliqué que l’affaire Ian Davidson avait causé un «choc énorme» au sein du SPVM, ce qui avait amené l’état-major à rappeler aux troupes le «serment de discrétion» qui interdit aux policiers de divulguer des informatio­ns relatives aux enquêtes.

Rappelons que Ian Davidson est ce sergent-détective qui a tenté de vendre une liste secrète de 2000 informateu­rs de police à des criminels. Il s’est suicidé le 18 janvier 2012 quand il a su que son identité allait être révélée dans les médias.

L’affaire D’Astous

Dans ce contexte, parler à un journalist­e peut être très risqué. Le policier retraité Claude D’Astous l’a appris à ses dépens. Témoignant en matinée lundi, il a raconté s’être rendu au café de la Place Versailles, où sont situés les bureaux de la Division du crime organisé du SPVM, le 14 février 2013.

Le journalist­e Daniel Renaud était attablé quand il est arrivé. Une brève conversati­on s’est engagée entre eux et deux tables les séparaient. Essentiell­ement, c’est le journalist­e qui parlait, a dit Claude D’Astous. Après 3 ou 4 minutes, le policier a quitté les lieux.

Mais son bref échange lui vaudra une réprimande pour avoir «discuté» avec un journalist­e bien que ses supérieurs aient reconnu qu’il n’avait pas divulgué d’informatio­n à ce dernier. Avant de prendre sa retraite en 2015, le policier a obtenu son pardon.

Les audiences de la commission Chamberlan­d se poursuiven­t mardi avec le témoignage du chef de police actuel, Philippe Pichet.

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Ce n’était pas exceptionn­el que le maire me parle. […] Pour moi, » c’ était un appel qui était relativeme­nt anodin. Marc Parent, ex-directeur du SPVM

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COMMISSION CHAMBERLAN­D Marc Parent, ancien directeur du SPVM, a affirmé lundi n’avoir jamais senti de pression politique de la part du maire Coderre.

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