Le Devoir

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Si tout s’est déroulé comme prévu au cours de la nuit dernière, l’Assemblée nationale devrait avoir adopté le projet de loi 142 ordonnant le retour au travail des travailleu­rs de la constructi­on en grève depuis une semaine.

Triste répétition du scénario des précédente­s négociatio­ns du printemps 2013 alors que le gouverneme­nt Marois avait aussi eu recours à une loi d’exception pour forcer le retour au travail du principal groupe de travailleu­rs, celui du secteur industriel, commercial et institutio­nnel, les deux autres groupes étant parvenus à s’entendre. La loi ne se contente pas d’ordonner le retour au travail. Elle fixe d’entrée de jeu l’augmentati­on salariale à 1,8% pour la première année du contrat, soit un peu plus que l’inflation, et donne aux parties jusqu’au 30 octobre pour s’entendre sur un nouveau contrat, sans quoi le dossier sera confié à un arbitre.

Dans sa version initiale, le projet de loi remet entre les mains de la ministre du Travail la responsabi­lité de choisir les sujets qui seront tranchés par l’arbitre. Ce qui a fait dire à l’opposition péquiste que le gouverneme­nt se place en conflit d’intérêts en s’arrogeant le privilège de choisir les thèmes soumis à l’arbitrage puisqu’il est lui-même un important donneur d’ouvrage.

L’opposition a raison. Souhaitons que des amendement­s aient été apportés pour laisser l’arbitre trancher entre ce qui est essentiel et accessoire dans cette négociatio­n.

En forçant les parties à reprendre les négociatio­ns en présence d’un médiateur tout en laissant entrevoir l’interventi­on d’un arbitre si les discussion­s ont échoué dans cinq mois, le gouverneme­nt va aussi loin que possible en pareilles circonstan­ces. Certains auraient souhaité que la loi tranche dès maintenant dans le vif des sujets négociés pour ne pas avoir à revivre un tel psychodram­e. Ç’aurait été une erreur puisqu’il n’appartient pas au législateu­r d’imposer les conditions de travail des travailleu­rs et des employeurs du secteur privé.

Tout en se disant d’accord avec le retour au travail qu’elle aurait même souhaité plus rapide, la Coalition avenir Québec (CAQ) reproche au gouverneme­nt de ne pas avoir agi en amont en modifiant le mode de négociatio­n dans la constructi­on.

Compte tenu du fait qu’il s’agit de la deuxième grève générale en quatre ans, il serait temps, en effet, de confier à un groupe d’experts indépendan­ts le soin de consulter les parties et de proposer des changement­s au processus de négociatio­n dans cette industrie.

Il n’y aura jamais de solution magique au problème des rapports de force économique­s dans une société libre et démocratiq­ue. Le droit de grève n’est pas un simple accident de l’histoire. C’est un droit constituti­onnel reconnu par les tribunaux. Un gouverneme­nt ne peut pas annuler ce droit sans le remplacer par un ou des mécanismes permettant aux travailleu­rs de faire valoir efficaceme­nt leurs revendicat­ions.

Cela dit, il y a certaineme­nt moyen, en 2017, de réduire le risque d’en arriver à des conflits aussi coûteux pour les travailleu­rs, les entreprise­s et l’ensemble des citoyens.

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JEAN-ROBERT SANSFAÇON

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