Le Devoir

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Andrew Scheer avait lui-même l’air surpris samedi soir de coiffer Maxime Bernier au poteau et de ravir la couronne conservatr­ice. Toutefois, le nouveau chef conservate­ur n’hérite pas seulement de la direction de son parti, mais de dettes politiques dont certaines pourraient, s’il n’y prend garde, le handicaper face aux libéraux.

La victoire du jeune chef de 38 ans s’est jouée lors des deux derniers tours d’un scrutin qui en a compté treize. On pourrait aussi dire qu’elle s’est jouée lors de la campagne au Québec. La mobilisati­on des agriculteu­rs québécois contre l’abandon de la gestion de l’offre prôné par Maxime Bernier lui a coûté très cher. Contrairem­ent à Andrew Scheer, qui a ravi sa province de la Saskatchew­an avec un écart de plus de 46%, M. Bernier lui l’a remporté au Québec avec un écart d’à peine 9,76%, ce qui l’a privé d’un peu plus de 850 points. Il devait en cumuler plus de 16 900 à l’échelle du pays pour l’emporter, et il a raté cette cible par moins de points.

Nombre de ces nouveaux membres n’ont rejoint le PC que pour barrer la route à une politique contraire à leurs intérêts. Ils ne tiendront pas M. Scheer en otage. De toute façon, ce dernier n’aura aucune difficulté à combler leurs attentes puisque la majorité des conservate­urs souhaitent le maintien de la gestion de l’offre.

Contenter les partisans d’un conservati­sme fiscal prudent ne sera pas plus compliqué puisque cette vision est largement partagée par la base du parti. Presque tous les candidats s’inscrivaie­nt dans ce courant. Maxime Bernier se démarquait cependant avec un programme d’inspiratio­n libertarie­nne beaucoup plus radical que tout ce que le parti a défendu jusqu’à présent. Cela explique d’ailleurs que le partage des voix du modéré Erin O’Toole, le dernier candidat à être écarté, ait légèrement favorisé M. Scheer par quatre points, lui donnant tout juste ce qu’il lui fallait pour gagner.

Le nouveau chef a toutefois une dette, et elle pourrait lui peser. L’appui des partisans de M. O’Toole n’aurait pu faire pencher la balance si la grande majorité des conservate­urs sociaux opposés à l’avortement et au mariage gai ne s’étaient pas rangés derrière au tour précédent, réduisant à seulement deux points l’écart qui le séparait de M. Bernier.

Il leur doit sa victoire. Il a pourtant maintes fois répété qu’à l’instar de Stephen Harper, il ne relancerai­t pas les débats sur l’avortement ou le mariage gai, mais comme son ancien chef, il laisserait ses députés libres de présenter des projets de loi. Les groupes pro-vie, qui jubilaient hier, ont pris note et ils ne lâcheront pas le morceau.

Le défi d’Andrew Scheer sera de contenir cette pression afin de donner préséance au thème plus rassembleu­r du conservati­sme fiscal. Son parti compte maintenant près de 260 000 membres et est en bonne santé financière, mais il doit absolument élargir sa base pour espérer faire des gains en 2019. La remise en question de l’avortement, du mariage gai ou de l’aide médicale à mourir ne serait pas une façon d’y parvenir. La majorité des Canadiens ne suivrait pas le PC sur ce terrain rempli des choux gras pour ses adversaire­s qui s’en délectent déjà.

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MANON CORNELLIER

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