Le Devoir

Le système de retraite est à sec

- GÉRARD BÉRUBÉ

Le système de retraite est à court de fonds. Les régimes actuels ne sont pas préparés à une espérance de vie passant à 100 ans. Sans changement­s ou adaptation à une réalité voulant qu’un enfant naissant aujourd’hui peut espérer vivre au-delà de 2117, l’assèchemen­t des régimes va aller en s’accélérant.

Selon une étude publiée par le Forum économique mondial appuyé par le cabinet Mercer, l’épargne-retraite est largement déficiente, et ce, à l’échelle mondiale. Globalemen­t, le déficit atteignait les 70 000 milliards $US en 2015, soit 1,5 fois le PIB des pays étudiés. Il touchera les 400 000 milliards en 2050 selon les projection­s, soit une progressio­n annuelle de 5%. Le Canada n’y échappe pas. L’insuffisan­ce de capitalisa­tion était chiffrée à 3000 milliards en 2015. Elle passera à 13 000 milliards en 2050, également une hausse annuelle de 5 %.

La Chine et l’Inde affichent les pires scénarios avec une croissance annuelle de l’insuffisan­ce estimée à 7 et à 10% respective­ment. Mais en valeur absolue, les États-Unis dominent avec l’écart le plus grand à 28 000 milliards, ce déficit étant appelé à atteindre les 137 000 milliards en 2050.

Ces projection­s tiennent compte d’un système à trois piliers, à savoir les régimes publics et la contributi­on des gouverneme­nts, les régimes en milieu de travail et l’épargneret­raite individuel­le. Elles supposent un taux de remplaceme­nt du revenu entre 60 et 70 %.

Capacité dépassée

L’étude du Forum économique mondial retient que la capacité d’adaptation de nos systèmes de retraite est dépassée par la rapidité avec laquelle l’espérance de vie croît. Cette longévité augmente d’une année tous

les cinq ans. « Les enfants naissant en 2017 peuvent espérer vivre au-delà de 100 ans. » Sans modificati­on apportée à l’âge de la retraite, « les

gens consacrero­nt 20 à 25% plus de temps à la retraite qu’à leur vie passée

à travailler », soit potentiell­ement plus de 35 à 40 ans selon les pays, alors que les systèmes actuels retiennent une vie à la retraite de 10 à 15 ans.

S’ajoute le choc démographi­que. Présenteme­nt à 8 pour 1, le rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler et les retraités tombera à 4 pour 1 en 2050. La population âgée de 65 ans et plus passera de 600 millions à 2,1 milliards dans l’intervalle.

Autre facteur: la faiblesse persistant­e des rendements et des taux d’intérêt, pesant tant sur l’actif que sur les engagement­s associés au passif. Au cours des dix dernières années, le rendement des actions a été de 3 à 5 points de pourcentag­e sous sa moyenne historique et celui des obligation­s, de 1 à 3 points de pourcentag­e. S’ajoute la décélérati­on de la croissance du PIB potentiel au fil des ans.

L’étude souligne aussi le déplacemen­t rapide des régimes à prestation­s déterminée­s vers ceux à cotisation­s définies, ce qui transfère d’autant les risques financiers au bénéficiai­re. Ces derniers comptent désormais pour plus de la moitié des régimes offerts.

Le peu de couverture des régimes complément­aires dans les pays observés se démarque également. Plus de la moitié des personnes sont des travailleu­rs autonomes ou n’ont pas accès à un régime en milieu de travail. Aussi, 48% des personnes en âge de prendre leur retraite ne reçoivent pas de pension. Le Forum économique mondial parle d’un accès trop souvent difficile à un régime de retraite ou à des véhicules d’épargne. L’organisati­on évoque également une faiblesse généralisé­e en matière de littératie financière, et retient que le taux d’épargne-retraite devrait être du simple au double voire au triple, soit de l’ordre de 10 à 15% du salaire pour répondre aux besoins futurs.

La capacité d’adaptation de nos systèmes de retraite est dépassée par la rapidité avec laquelle l’espérance de vie croît

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ISTOCK L’épargne-retraite est largement déficiente, et ce, à l’échelle mondiale.

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