L’éclatement de la bulle techno revient hanter les marchés
L’éclatement de la bulle des valeurs technologiques revient hanter les marchés 17 ans plus tard. Les médias spécialisés s’agitent devant le vertige provoqué par la capitalisation boursière des Apple, Alphabet (Google), Amazon, Facebook et Microsoft qui, individuellement, dépasse le PIB de grandes régions métropolitaines des ÉtatsUnis. La fièvre spéculative est mesurable, mais elle ne serait pas encore irrationnelle.
Vendredi le Nasdaq a clôturé la séance au-dessus des 6200 points, terminant sur un record pour une 30e séance cette année. Cet indice représentatif des valeurs technologiques est en hausse de quelque 17% depuis le début de l’année, de près de 400% depuis son creux d’après crise de 1268 atteint en mars 2009. Un segment de l’indice, le Nasdaq 100, évolue audessus de sa moyenne mobile de 50 jours depuis plus de 110 séances consécutives, ont indiqué des analystes techniques du cabinet MKM Partners, soit sa plus longue séquence depuis 2011.
Dans une note aux clients, les analystes de Bank of America Merrill Lynch ont souligné que l’indice de croissance MSCI USA, sous domination d’Apple, d’Amazon et de Facebook, avait atteint une performance supérieure à celle de l’indice valeur MSCI Mondial. «La surperformance des valeurs de croissance américaines par rapport aux valeurs cycliques a dépassé le niveau atteint lors de la Bulle Internet de 2000», ajoutent-ils. Le Nasdaq venait alors de franchir la barre des 5000 points, à deux reprises. «Si les gains de 30% des actions de Facebook et Alphabet cette année ont contribué à la poursuite de la “techmania”, 84% des actions technologiques ont une performance positive», renchérit la banque américaine.
Il y a débordement au S&P 500, plus large et plus représentatif du marché boursier
américain. Les Apple, Alphabet, Amazon, Facebook et Microsoft comptent pour 40% des gains cumulés cette année par ce grand indice de référence de Wall Street, a renchéri Goldman Sachs. Ce poids au sein de l’indice global n’est pas sans induire une canalisation des liquidités des investisseurs institutionnels vers les titres de haute technologie. Ce flot pourrait être, en 2017, le plus important des 15 dernières années et permettre à ce secteur de compter pour le quart de l’actif global sous gestion, a fait ressortir Bank of America.
Afin d’ajouter au vertige, les médias spécialisés soulignaient en fin de semaine qu’à elles seules, les valeurs boursières d’Apple et d’Alphabet surpassaient la capitalisation combinée des valeurs financières de la zone euro et du Japon. Apple, à 153 $US l’action, affiche une capitalisation de plus de 800 milliards, et Alphabet, à 993 $US l’action, une valorisation de plus de 675 milliards, soit près du PIB de Los Angeles (832 milliards) et plus que celui de la région métropolitaine de Chicago (581 milliards). Microsoft à 70 $US voit sa capitalisation de 540 milliards dépasser le PIB de Dallas et de Houston (479 milliards pour chacune). Amazon à 996 $US obtient une valorisation de 475 milliards, supérieure au PIB de Washington (450 milliards), qui surpasse à peine la capitalisation de Facebook (440 milliards), avec un cours de 152 $US l’action, a repris le quotidien français Les Échos.
Insoutenable, mais pas irrationnel
Dans sa note, Bank of America estime que ce gonflement des valeurs technologiques est insoutenable. L’institution retient que si le S&P 500 touche les 2630 points, le rapport entre la capitalisation boursière mondiale et le PIB mondial dépassera les sommets enregistrés en 1999 et 2007 qui, dans les deux cas, avaient précédé une correction sévère. Le S&P 500 est à 2415.
La Banque prend toutefois soin d’affirmer que cette fièvre spéculative n’est pas irrationnelle. Ainsi, le ratio cours-bénéfice de l’indice sectoriel MSCI est à 18 fois, de loin sous les 50 fois observées avant l’éclatement de la bulle. Et les entreprises de ce secteur font des profits. La croissance moyenne attendue de leurs bénéfices oscille entre 13 et 16 % cette année, soit une progression supérieure à celle prévue pour le S&P 500 dans son ensemble.
Il y a plus. Ces géants technologiques sont perçus comme étant les grands bénéficiaires de la réforme fiscale souhaitée par Donald Trump, visant une baisse du taux d’imposition des entreprises et un rapatriement de tous ces fonds laissés à l’étranger. Ils dorment sur des montagnes de liquidités susceptibles d’être transférées à l’actionnaire sous forme de rachats d’actions ou d’un dividende spécial. Enfin, ils exercent un leadership en cette ère d’émergence de nouvelles technologies et d’intelligence artificielle.
Il reste que les signes sont évidents que «nous sommes dans les premières phases d’une surchauffe des marchés selon la valorisation, le mouvement des liquidités et le lien entre le marché des actions et celui des obligations», ajoute Bank of America. «Plus les banques centrales tarderont à resserrer leurs conditions monétaires, plus le risque est grand qu’une frénésie spéculative secoue les titres technologiques.»