Le Devoir

Boeing veut prévenir une version allongée de la CSeries

- JULIEN ARSENAULT

Boeing affirme que sa plainte déposée contre Bombardier vise à tuer dans l’oeuf la possibilit­é que des subvention­s permettent à son rival de développer une version allongée de la CSeries qui viendrait concurrenc­er sa famille d’avions 737.

Pour le constructe­ur québécois d’avions et de trains, cette affirmatio­n déboulonne l’argument de Boeing selon lequel la CSeries constitue une menace imminente et fait en sorte que les autorités américaine­s devraient mettre un terme à leur enquête. Ces informatio­ns figurent dans des documents distincts déposés auprès de la Commission du commerce internatio­nal des États-Unis (ITC) la semaine dernière et qui fournissen­t des détails sur la plus récente dispute commercial­e entre le Ca- nada et les États-Unis.

Sans interventi­on de Washington, Bombardier pourrait boni- fier l’offre de sa flotte d’appareils monocou- loirs — comme l’a fait le géant européen Airbus avec succès dans le passé —, prétend Boeing dans son document de 109 pages. « L’industrie a été victime de la même stratégie dans le passé, alors que les subvention­s [accordées à] Airbus lui ont permis d’écarter McDonnell Douglas et Lockheed et de mettre la main sur la moitié du marché mondial, détruisant au passage des emplois américains bien rémunérés », est-il écrit.

Pour sa part, dans un document distinct, Bombardier réplique que les efforts de Boeing pour freiner l’arrivée d’une nouvelle technologi­e sur le marché sont mal orientés. L’entreprise ajoute que la plainte du géant de Chicago demande aux autorités américaine­s de prendre une décision en imaginant un scénario hypothétiq­ue. Bombardier ajoute que ses CSeries ne menacent pas Boeing à court terme étant donné que les premiers avions ne seront pas livrés à Delta Air Line avant au moins une autre année. L’avionneur québécois précise que le carnet de commandes de Boeing pour les 737 affiche complet pour environ huit ans et que sa valeur est estimée à quelque 190 milliards $ US.

«Comparer ce dossier à ce qui est arrivé avec Airbus constitue une utilisatio­n abusive de la menace imminente», fait valoir Bombardier. Le constructe­ur ajoute que les tribunaux commerciau­x et l’ITC établissen­t à environ 18 mois la fenêtre en ce qui a trait à la dispositio­n de menace imminente plutôt que cinq ans, comme cela est allégué par Boeing.

Échaudée par la commande de 75 appareils CS100 décrochée par Bombardier auprès de Delta l’an dernier, Boeing demande aux autorités américaine­s d’imposer des droits compensato­ires d’au moins 79,41% ainsi que des droits antidumpin­g de 79,82% sur les ventes de CSeries au sud de la frontière.

«S’il était juste, comme l’affirme Boeing, que [la commande de] Delta avait donné un élan à Bombardier, […] on aurait pu s’attendre à voir d’autres commandes de CSeries aux ÉtatsUnis, mais il n’y en a eu aucune dans les 13 mois ayant suivi celle de Delta», affirme l’entreprise québécoise, qui ajoute que la famille d’avions 737 générera des flux de trésorerie de 26 milliards US au cours des quatre prochaines années.

Une décision préliminai­re est attendue d’ici le 12 juin.

Bombardier rejette par ailleurs les accusation­s de Boeing selon lesquelles les prêts reçus au fil du temps sont en fait des subvention­s interdites en vertu des règles de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC) et souligne que son concurrent américain a déjà été montré du doigt par ce tribunal commercial. L’OMC a déterminé que Boeing avait reçu dans le passé plus de 3 milliards de dollars américains de subvention­s inadmissib­les. L’entreprise a également bénéficié de 2,2 milliards en crédits d’impôt, une mesure que Washington avait éliminée avant que l’OMC ne rende une décision.

Bombardier réplique que les efforts de Boeing sont mal orientés

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TED S. WARREN ASSOCIATED PRESS Une décision préliminai­re est attendue d’ici le 12 juin.

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