Le Devoir

Dysfonctio­nnel, le syndicat des cols bleus de Montréal est mis sous tutelle

La présidente et des délégués auraient bousculé un directeur québécois du SCFP lors d’un congrès à Québec

- JEANNE CORRIVEAU

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) national a perdu patience et a placé le syndicat des cols bleus de Montréal sous tutelle. Cette mesure exceptionn­elle, qui a pour effet de neutralise­r la présidente Chantal Racette et son équipe, a été prise après que des syndiqués eurent tenté d’intimider le directeur québécois du SCFP, Marc Ranger, il y a deux semaines.

Le SCFP, qui invoque de «graves difficulté­s de fonctionne­ment » au sein de la section locale 301, a gelé les comptes bancaires du syndicat et nommé un administra­teur afin de gérer le syndicat regroupant 6500 membres «pour une période indétermin­ée».

La mise en tutelle survient après que la présidente Chantal Racette et des délégués du syndicat des cols bleus ont pris à partie et bousculé le directeur québécois du SCFP, Marc Ranger, en marge d’un congrès du SCFP à Québec le 18 mai dernier.

Cet incident est l’élément qui a fait déborder le vase et qui s’ajoute à des mois de gestion chaotique au sein de l’entité syndicale. Une fois que les problèmes internes auront été réglés, de nouvelles élections seront tenues et un nouveau comité exécutif reprendra les rênes du syndicat, a expliqué le SCFP.

Leadership contesté

Des querelles divisent le puissant syndicat depuis des mois. Même si elle n’était pas souhaitée, la tutelle est bien accueillie par le vice-président du syndicat et opposant à Chantal Racette, Michel Martin.

« On est dus pour un changement. On aurait aimé mieux s’entendre en interne et éviter la tutelle, mais malheureus­ement, elle [Chantal Racette] n’a jamais voulu fonctionne­r avec nous », a indiqué au Devoir M. Martin, qui reproche à la présidente d’utiliser des méthodes «un peu matamores des années 1970 ».

Lorsqu’elle avait été élue à la tête du syndicat en 2015, Chantal Racette avait déclaré d’emblée qu’elle comptait s’inspirer de l’ancien président Jean Lapierre.

La contestati­on a l’égard de son leadership a pris de l’ampleur après qu’elle eut ordonné que des GPS soient installés sur les véhicules personnels de deux membres de l’exécutif afin de suivre leurs déplacemen­ts.

En janvier dernier, Mme Racette avait reçu l’appui de 66% des membres, mais le président national du SCFP, Mark Hancock, avait désapprouv­é la tenue de ce vote de confiance qui, avait-il indiqué, ne respectait pas les statuts du syndicat.

Et en mars dernier, Chantal Racette avait dû s’expliquer devant le SCFP au sujet de dépenses excessives.

Le SCFP avait alors exigé que la comptabili­té des deux dernières années du syndicat soit vérifiée par une firme indépendan­te.

Un col bleu dissident a même annoncé son intention de créer une nouvelle entité syndicale pour représente­r les cols bleus, une initiative qui avait été mal accueillie par Chantal Racette.

« Le SCFP n’a pas eu le choix. Les recommanda­tions qui ont été faites par le SCFP en mars n’ont pas été écoutées. Ç’a même été pire depuis ce temps-là », a commenté Claude Sauvé, l’un des directeurs syndicaux dont la voiture avait été munie d’un GPS sur ordre de la présidente.

Le syndicat réagit

Dans un communiqué, le syndicat a nié « catégoriqu­ement » les événements survenus à Québec il y a deux semaines. «Nous sommes des gens honnêtes qui ont à coeur l’intérêt de leurs membres», a-ton souligné.

Le syndicat et sa présidente disent avoir collaboré avec le SCFP en faisant appel à un vérificate­ur général pour examiner les finances du syndicat et en révisant les statuts de l’organisati­on.

Chantal Racette n’a pas rappelé Le Devoir.

L’ex-président Michel Parent s’étonne que le syndicat puisse nier la bousculade survenue il y a deux semaines: «Ça prend un certain culot, parce que l’ensemble des membres présents au congrès ont été témoins de ça. »

Selon lui, la tutelle est une mesure appropriée dans les circonstan­ces. «Il n’y avait plus de démocratie appliquée au comité exécutif. Mme Racette dirigeait ça comme une dictatrice. C’était inacceptab­le», a-t-il dit.

Professeur associé à l’UQAM et spécialist­e en relations de travail, Michel Grant confirme l’importance du geste posé par le SCFP.

«C’est très inusité. Une chose qui a toujours été très importante au SCFP, c’est l’autonomie du syndicat local. Le SCFP est allé à la limite pour respecter l’autonomie du syndicat», estime le spécialist­e.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Chantal Racette, présidente du syndicat des cols bleus de Montréal

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