Le Devoir

Le projet libéral mettra les jeunes en danger, plaident les conservate­urs

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le projet de légalisati­on de la marijuana de Justin Trudeau essuie les critiques de l’opposition à Ottawa : les néodémocra­tes le jugent trop punitif, tandis que les conservate­urs martèlent qu’il ne l’est pas assez. Ces derniers pensent qu’en permettant la culture personnell­e à la maison le gouverneme­nt libéral mettra en danger les jeunes canadiens.

«Qu’y a-t-il de plus facile comme moyen pour les jeunes de se procurer de la marijuana que si leurs parents ont quatre plants dans la cuisine?» a lancé mardi le conservate­ur Rob Nicholson alors que débutait le débat sur la légalisati­on du cannabis récréatif. Le projet de loi libéral prévoit que les adultes canadiens puissent posséder 30 grammes de marijuana ou faire pousser quatre plants à leur domicile. La vente serait interdite aux moins de 18 ans, mais les jeunes ne seraient pas visés par des accusation­s criminelle­s s’ils sont en possession de moins de cinq grammes.

Résultat: les jeunes pourront piger allégremen­t dans les plantes de leurs parents, consommer les produits comestible­s que les adultes pourront faire chez eux ou encore s’improviser trafiquant­s de stupéfiant­s en vendant le cannabis de leurs parents dans les cours d’école du pays, ont martelé les conservate­urs aux Communes mardi.

La ministre de la Justice, Judy Wilson-Raybould, a rétorqué qu’il reviendrai­t simplement aux parents de s’assurer que leurs plants de cannabis sont hors de portée des enfants. «La loi prévoit la possibilit­é pour des individus de cultiver chez eux, tout en reconnaiss­ant que les adultes s’assureront — comme ils le feraient pour des médicament­s sur ordonnance ou de l’alcool — de mettre en place des mesures de sécurité pour les jeunes afin de les empêcher d’y avoir accès. »

Or, une plante par définition ne pourra pas être cachée dans une armoire, ont répliqué les conservate­urs. «Si [la ministre de la Justice] consultait les statistiqu­es d’empoisonne­ments, elle verrait que les enfants mangent des plantes constammen­t. Parce que leurs parents ne les mettent pas dans des placards », a fait valoir la députée Marilyn Gladu.

Les conservate­urs ont beau compter s’opposer au projet de loi C-45, les libéraux pourront néanmoins user de leur majorité pour l’envoyer à l’étude en comité parlementa­ire. Les néodémocra­tes l’appuieront aussi, afin d’étudier plus à fond les mesures proposées.

Le NPD persiste à réclamer — en vain jusqu’à présent — que la marijuana soit décriminal­isée en attendant d’être légalisée. Faute d’obtenir gain de cause, le député Alistair McGregor estime comme le gouverneme­nt qu’il vaut mieux n’imposer que des infraction­s pénales aux mineurs en possession de petites quantités. «Il ne s’agit pas d’accepter le fait que [les jeunes] puissent obtenir de la marijuana. C’est juste de faire en sorte qu’il s’agisse d’une infraction, pour qu’ils ne se retrouvent pas avec un dossier criminel pour le reste de leur vie.»

Le projet de loi menace par ailleurs de 14 ans de prison quiconque donne ou vend du cannabis à un mineur, ou quiconque fait appel à un jeune pour commettre une infraction liée au cannabis. Une peine qui, bien que sujette à la discrétion d’un magistrat, est jugée excessive par le NPD, qui veut consulter des experts afin de vérifier si elle respecte la Charte des droits et libertés. Le gouverneme­nt croit que oui. Au Québec, la vente d’alcool à un mineur est une infraction passible d’une simple amende.

Les néodémocra­tes s’inquiètent en outre, comme les conservate­urs, des «sérieuses conséquenc­es » auxquelles pourraient faire face les Canadiens à la douane américaine puisque plusieurs États n’ont pas légalisé la marijuana récréative. Le Parti conservate­ur craint par ailleurs de voir une explosion des cas de conduite avec facultés affaiblies par la marijuana.

Le Bloc québécois n’a pas décidé s’il appuierait le projet de loi, car il a certaines inquiétude­s. « On veut que la production relève de Québec. Pour l’instant, Ottawa veut se garder le privilège où c’est le ministre qui distribue lui-même les permis», a déploré Xavier Barsalou-Duval, qui réclame aussi une compensati­on pour le système de santé québécois.

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