Le Devoir

L’oléoduc Kinder Morgan survivra à l’élection, dit Ottawa

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le renverseme­nt prochain de la libérale Christy Clark en Colombie-Britanniqu­e n’inquiète pas Ottawa. L’avènement d’un gouverneme­nt néodémocra­te appuyé par les verts, aussi opposé soit-il à l’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan, ne pourra pas y faire barrage, assure-t-on.

«Il s’agit d’un pipeline qui a été approuvé par le gouverneme­nt fédéral», a rappelé le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr. « L’approbatio­n est là pour l’ancien gouverneme­nt, le gouverneme­nt actuel et pour tout futur gouverneme­nt.»

Le premier ministre Justin Trudeau, en visite en Italie, a indiqué qu’il ne changerait pas d’avis. «La décision que nous avons prise sur l’oléoduc Trans Mountain a été prise sur la base de faits, de données et dans l’intérêt des Canadiens, de l’économie canadienne et de l’avenir du Canada. Quel que soit le gouverneme­nt en Colombie-Britanniqu­e ou ailleurs, les faits et les données ne changent pas. »

Le pipeline Trans Mountain, qui serpente d’Edmonton à Burnaby (à l’est de Vancouver), existe déjà. Le projet consiste à en tripler la capacité en ajoutant un second conduit. Quelque 73% du nouveau conduit sera construit sur les emprises actuelles du pipeline existant. Le terminal maritime sera agrandi et le nombre de pétroliers qui s’y approvisio­nneront passera de 5 à 34 par mois.

Ce projet, approuvé par Ottawa en novembre dernier, divise la population de la Colombie-Britanniqu­e. La première ministre libérale Christy Clark avait fini par appuyer le feu vert fédéral, mais ses jours sont comptés, elle qui a fait réélire 43 députés. Les députés néodémocra­tes (41) et les verts (3) ont annoncé qu’ils s’alliaient pour la déloger.

Mme Clark a en somme concédé la défaite mardi en annonçant qu’elle convierait l’Assemblée législativ­e en juin et en demanderai­t la confiance, ce qu’elle sait qu’elle n’obtiendra pas. «S’il doit y avoir un transfert de pouvoirs dans cette province, et il semble bien qu’il y en aura un, celui-ci doit se faire en public, […] dans la maison du peuple et non derrière des portes closes», a-t-elle déclaré à la presse. Il reviendra alors à la lieutenant­e-gouverneur­e de demander au NPD de prendre la relève, a ajouté Mme Clark.

Une des conditions de l’alliance NPD-PV est que le nouveau gouverneme­nt utilise «tous les outils disponible­s pour arrêter l’expansion du pipeline Kinder Morgan». Ces outils existent, reconnaît Pierre-Olivier Pineau, professeur à la Chaire de gestion du secteur de l’énergie aux HEC.

«Une province ne peut pas formelleme­nt refuser un tel projet approuvé par le fédéral, dit-il. Mais si la province ne collabore pas dans la délivrance de certains permis locaux requis pour la constructi­on, comme des permis de constructi­on, des permis environnem­entaux “locaux” ou des droits de passage, elle peut entraver le processus de manière importante. Ça devient donc un jeu politique qui peut avoir des répercussi­ons dans d’autres dossiers. »

Cette situation divise la grande famille néodémocra­te. La première ministre albertaine Rachel Notley, qui appuie le pipeline, a lancé mardi une pique fielleuse à ses voisins. « Bien franchemen­t, la Colombie-Britanniqu­e ne peut pas faire reposer sa croissance économique seulement sur la hausse des prix immobilier­s de Vancouver et du Lower Mainland. Elle a besoin de plus de croissance économique et, à l’intérieur des terres, elle a besoin des emplois que créera cet oléoduc.»

En pleine course à la chefferie, le NPD fédéral devra manoeuvrer prudemment pour ne pas s’aliéner les électeurs de l’une ou l’autre de ces deux provinces. Une des candidates, Niki Ashton, a invité hier ses adversaire­s à se prononcer contre Kinder Morgan.

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