Le Devoir

Le ton monte entre Trump et Merkel

- JÉRÔME CARTILLIER à Washington

Le ton est encore monté d’un cran mardi entre Angela Merkel et Donald Trump, qui a lancé une virulente charge contre l’Allemagne, la crise entre les deux pays alliés apparaissa­nt comme l’une des pires de l’histoire récente.

Depuis le sommet du G7 en Sicile, où le président américain a fait cavalier seul, en particulie­r sur la question du climat, la chancelièr­e allemande a changé de registre et ne mâche plus ses mots sur la politique du nouveau locataire de la Maison-Blanche.

Appelant au sursaut, Mme Merkel, actuelleme­nt en campagne pour un quatrième mandat, semble convaincue que le discours de Trump — dont le passage à Bruxelles et à Taormina a laissé un goût amer aux responsabl­es de l’UE — peut servir d’aiguillon pour faire avancer l’Europe, sur la défense et la diplomatie.

Comme souvent, Donald Trump a choisi Twitter pour lancer la riposte.

« Nous avons un ÉNORME déficit commercial avec l’Allemagne, en plus elle paye BIEN MOINS qu’elle ne le devrait pour l’OTAN et le secteur militaire. Très mauvais pour les É.U. Ça va changer», a-t-il lancé, lettres majuscules à l’appui.

Une heure plus tôt, Angela Merkel, connue pour choisir ses mots avec attention, avait jugé «extrêmemen­t important» que l’Europe devienne un « acteur qui s’engage à l’internatio­nal », notamment en raison de l’évolution de la politique américaine. Dimanche, elle avait lancé sa première salve, affirmant que l’époque où «nous pouvions compter les uns sur les autres» était «quasiment révolue».

Il faut remonter à 2003 pour trouver des tensions aussi fortes entre Washington et Berlin, lorsque le gouverneme­nt du social-démocrate Gerhard Schroeder avait marqué son opposition à la guerre en Irak lancée par le gouverneme­nt de George W. Bush.

Le sujet fait en tout cas l’unanimité en Allemagne. Le concurrent de la chancelièr­e aux élections de septembre, l’ex-président du Parlement européen Martin Schulz, a défendu sa rivale, accusant M. Trump de tabler «sur l’isolationn­isme et le droit du plus fort» pour imposer ses vues.

Mme Merkel, comme d’autres dirigeants européens, a par le passé insisté sur la nécessité pour l’UE de s’affirmer sur la scène internatio­nale pour mieux défendre ses intérêts. Mais jusqu’ici, la mise en place d’une action diplomatiq­ue européenne a achoppé sur les réticences des États membres à abandonner des pans de souveraine­té dans ce domaine régalien.

Ces tensions ne sont pas nouvelles. Avant et après son élection, le magnat de l’immobilier ne s’était pas privé d’attaquer l’Allemagne, menaçant en particulie­r d’instaurer des taxes douanières en représaill­es aux excédents commerciau­x allemands.

Mais la nouvelle posture de la chancelièr­e allemande depuis le sommet du G7 de Taormina a marqué un tournant.

Reste à déterminer quelles seront les conséquenc­es concrètes de cette escalade verbale sur les relations entre les deux géants économique­s.

En après-midi, le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, a tenté de minimiser les différends. «Ils s’entendent très bien. […] Je pense que le président décrirait sa relation avec Mme Merkel comme assez incroyable, a-t-il dit. Il a du respect pour elle.»

Donald Trump et Angela Merkel ont d’ores et déjà une nouvelle rencontre en vue: elle aura lieu lors du sommet du G20, début juillet, à Hambourg. Lire aussi › L’éditorial de Guy Taillefer, L’Europe comme contre-pouvoir, en page A 8.

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