Le Devoir

PQ-QS, un choc des cultures internes

- ERIC MONTIGNY Professeur de science politique à l’Université Laval PASCALE DUFOUR Professeur­e de science politique à l’Université de Montréal

Déception, méfiance, insultes, accusation­s et procès d’intentions ont dominé les échanges des derniers jours entre les militants des deux formations partisanes. Manifestan­t tour à tour incompréhe­nsion et colère, les dirigeants du Parti québécois sont également passés par différente­s émotions, alors que ceux de Québec solidaire ont plutôt insisté sur le caractère démocratiq­ue de leurs instances.

La sociologie politique peut nous aider à comprendre les difficulté­s qu’ont eues ces deux formations à se comprendre et à s’entendre. Au-delà des enjeux partisans, des idéologies et de la stratégie partisane, ne serions-nous pas en présence d’un choc des cultures organisati­onnelles? Cette incompréhe­nsion mutuelle pourrait-elle découler de règles de fonctionne­ment interne spécifique­s à chaque formation politique et de l’asymétrie quant à leur niveau respectif de décentrali­sation?

Dès son congrès de fondation en 1968, le PQ a vécu des débats internes afin de déterminer le niveau de sa démocratie interne. Les «électorali­stes», proches de René Lévesque, souhaitaie­nt une structure plus souple, alors que les« participat­ion ni st es », dont André Larocque, préféraien­t une structure décentrali­sée à l’image du Parti communiste yougoslave. À l’époque, ce sont les «participat­ion ni st es» qui l’ont emporté. Encore aujourd’hui, le PQ demeure un parti plus décentrali­sé que le Parti libéral du Québec ou la Coalition avenir Québec. Avec le temps, il a cependant subi un processus de« dé démocratis­ation» conduisant à une centralisa­tion plus importante des pouvoirs vers le chef. L’initiative de consultati­on menée par Paul St-Pierre Plamondon vise d’ailleurs à rétablir un certain équilibre institutio­nnel et à redonner davantage de pouvoir aux militants.

Résolument plus à gauche de l’échiquier politique, QS a réuni, comme le PQ, différente­s tendances et différente­s organisati­ons lors de son congrès de fondation. Les solidaires ont également opté pour une structure organisati­onnelle décentrali­sée d’où émanent deux porte-parole. Cela implique une culture organisati­onnelle qui ne repose pas sur une hiérarchie classique impliquant un chef formel. Rappelons que la dernière élection de ses co-porteparol­e échappait aux dispositio­ns de la Loi électorale québécoise en matière d’encadremen­t d’une course à la chefferie.

Une analyse plus fine serait utile pour mesurer l’écart culturel entre les dirigeants des deux formations politiques. Les dirigeants du PQ se sont d’ailleurs attaqués à la structure de QS en comparant son comité de direction à un «Politburo soviétique» et en s’interrogea­nt sur l’absence d’un chef réel. Comme si le fonctionne­ment de QS (collégiali­té dans la gouvernanc­e, poids plus important des membres dans la conduite des affaires du parti, co-porte-parole) était d’emblée suspect, parce que distinct.

N’oublions pas que si la trajectoir­e institutio­nnelle du PQ depuis sa fondation l’a conduit vers une plus grande centralisa­tion, celle de QS s’apparente davantage à celle d’une organisati­on de la société civile, comme c’est généraleme­nt le cas pour un parti qui en est toujours à l’étape de sa genèse institutio­nnelle.

Les divergence­s entre QS et le PQ ne sont pas que stratégiqu­es ou idéologiqu­es. Elles sont ancrées dans des cultures politiques qui s’opposent et qui alimentent une certaine incompréhe­nsion.

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