Amazon a l’intention d’exporter son concept ici
La compagnie a déposé trois demandes d’enregistrement de marques de commerce au Canada
Amazon a l’intention d’ouvrir des magasins sans caisse au Canada au cours des prochaines années. La multinationale américaine a officiellement déposé trois demandes d’enregistrement de marques de commerce concernant son concept Amazon Go auprès des autorités fédérales, a constaté Le Devoir.
Le 6 décembre dernier, au lendemain du dévoilement du concept de magasins sans caisse qui a enflammé les réseaux sociaux, Amazon a déposé deux demandes d’enregistrement auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC).
La première vise à protéger le nom et le logo « Amazon Go » alors que la seconde sert à mettre à l’abri l’un des slogans du magasin, dans sa version anglaise: «No Lines. No Checkout. (No, Seriously.)» («Pas de ligne. Pas de caisse. (Non, sérieusement.) »).
La compagnie a déposé une troisième demande il y a trois semaines pour protéger un autre slogan lié au concept Amazon Go, toujours dans sa version anglaise : « Ever y Line is a Defect » (« Chaque ligne est un défaut »).
Intention claire
Ces demandes démontrent clairement l’intention d’Amazon d’exporter son concept de magasins sans caisse au Canada, affirment deux experts de la propriété intellectuelle consultés par Le Devoir.
«Quand une personne fait une demande d’enregistrement de marque de commerce auprès de l’OPIC pour un usage projeté, elle déclare qu’elle a l’intention d’utiliser la marque de commerce, explique Éric Lavallée, avocat et agent de marques de commerce chez Lavery. On peut penser que leur intention est sérieuse. Est-ce qu’elle va se matérialiser? Ça, c’est une autre chose.»
«Ça démontre certainement une intention», acquiesce Daniel Drapeau, avocat, propriété intellectuelle chez Drapeaulex. Il arrive qu’une compagnie dépose des demandes de manière préventive pour préparer son arrivée dans un marché potentiel, mais ces démarches sont rarement effectuées sans volonté claire, dit-il. «Il y a des coûts qui sont rattachés au dépôt de demandes, donc, règle générale, on ne dépose pas des marques pour rien.»
Des magasins d’ici trois ans?
Éric Lavallée fait remarquer que, règle générale, une compagnie doit utiliser la marque qui a fait l’objet d’une demande dans un délai de trois ans pour que celle-ci soit officiellement enregistrée. Cela signifie qu’en principe les magasins sans caisse devront apparaître au Canada d’ici décembre 2019 si Amazon souhaite en protéger la propriété intellectuelle.
Le fait qu’Amazon ait déposé des demandes concernant des slogans en anglais ne veut pas dire que les éventuels magasins sans caisse verraient le jour à l’extérieur du Québec. «Au Canada, la traduction directe est protégée», souligne M. Drapeau, ce qui veut dire qu’en enregistrant une marque en anglais, Amazon enregistre aussi sa traduction française.
À l’heure actuelle, Amazon a 319 dossiers actifs à l’OPIC, dont 103 marques officiellement enregistrées. «C’est un gros portefeuille», note l’avocat de Drapeaulex.
Au moment d’écrire ces lignes, Amazon n’avait pas répondu à nos questions concernant l’ouverture de magasins sans caisse au Canada.
Ouverture attendue
En décembre dernier, Amazon a fait savoir que son premier magasin sans caisse, situé à Seattle, serait d’abord mis à l’essai par ses employés, pour ensuite être ouvert au grand public au début de cette année. Des problèmes techniques ont forcé l’entreprise à reporter cette ouverture attendue.
Des documents internes obtenus par le site spécialisé Business
Insider ont par ailleurs révélé que la compagnie projette d’ouvrir 20 magasins Amazon Go d’ici deux ans et jusqu’à 2000 à travers les États-Unis au cours des dix prochaines années.
L’entreprise n’a pas officiellement dévoilé ses intentions d’expansion, mais en plus du Canada, elle a déjà déposé des demandes pour protéger le nom «Amazon Go» et ses slogans auprès des autorités du RoyaumeUni et de l’Union européenne.
Avec Amazon Go, le géant du commerce en ligne tente de révolutionner le monde du commerce au détail: toujours
selon le concept dévoilé en décembre, vous pouvez entrer dans le magasin, prendre les produits que vous désirez et partir sans passer à la caisse. Les achats sont comptabilisés sur une application mobile grâce aux capteurs situés sur les tablettes et le paiement s’effectue automatiquement à votre sortie.
Bataille de géants
Ironiquement, Amazon tente de s’implanter dans le commerce de détail au moment où Wal-Mart, le roi des grandes surfaces, cherche à s’imposer dans le commerce en ligne.
Depuis que Wal-Mart a acquis Jet.com l’an dernier et que le cofondateur de la jeune compagnie, Marc Lore, est devenu directeur de ses opérations en ligne aux États-Unis, l’entreprise ne cesse de se rapprocher de son concurrent.
Au premier trimestre de 2017, Wal-Mart a enregistré une augmentation de ses ventes en ligne de 63%, après avoir connu une hausse de 29 % au trimestre précédent.
Le site Internet de Wal-Mart offre actuellement près de 50 millions de produits, incluant ceux des tierces parties, soit 40 millions de plus qu’il y a un an. En comparaison, le site d’Amazon comprend des centaines de millions de produits.