Une fourchette appelée à augmenter, selon le privé
Pour avoir un impact, il faudrait que le coût des émissions de carbone se situe entre 24 et 39 $US la tonne métrique d’ici 2020
Le prix qu’il faudrait attribuer au carbone afin de décarboniser le secteur énergétique et honorer l’Accord de Paris d’ici 2050 se situe quelque part entre 24 et 39$US la tonne métrique d’ici trois ans, estiment des acteurs importants de l’industrie. D’ici 2030, ce prix pourrait atteindre 100 $US.
Cette fourchette, appelée en quelque sorte à jouer un rôle de référence, est le fruit d’une consultation menée par l’influent CDP, anciennement Carbon Disclosure Project, et We Mean Business, qui regroupe des centaines de multinationales et d’investisseurs institutionnels.
Les prix actuels sont nettement inférieurs à cela. En guise de comparaison, la dernière vente aux enchères Québec-Californie pour les droits d’émission applicables au millésime 2020 s’est soldée par un prix de vente final de 18,51 $US, ou 13,57 $ ici. Le gouvernement Trudeau souhaite imposer un prix de 10 $ la tonne dès 2018, lequel augmenterait graduellement jusqu’à 50 $ en 2022.
La tarification du carbone peut prendre diverses formes, dont la mise en place de systèmes de plafonnement et d’échange de droits d’émission ou une taxe carbone. Il s’agit d’une façon parmi d’autres visant à combattre les changements climatiques et le réchauffement de la planète, que l’Accord de Paris veut limiter à 2 degrés.
La tâche consistant à déterminer le prix idéal à intégrer dans les modèles d’affaires des entreprises pour accélérer la décarbonisation de l’économie s’est «avérée difficile», reconnaissent les auteurs du rapport, et il est de plus en plus urgent d’établir une fourchette réaliste.
«Les changements climatiques posent des risques financiers significatifs, mais l’industrie et les responsables en matière de politiques publiques peinent à leur attribuer un prix», affirment les auteurs. Cela dit, le nombre de sociétés qui intègrent à leur structure de coûts un prix du carbone a augmenté de 23% depuis 2015-2016.
Suivi régulier
Une table ronde de 22 experts et dirigeants d’entreprise a donc été mise sur pied pour concevoir une «fourchette de tarification du carbone », laquelle sera une sorte de référence pour ceux directement concernés et fera l’objet de mises à jour régulières. La table ronde a commencé par le secteur de la production énergétique seulement, mais son travail de veille sera élargi à d’autres secteurs à émissions fortes.
La majorité des membres de la table ronde estiment que la fourchette idéale en 2025 serait de 30 à 60$US, et de 30 à 100$US en 2030. La table ronde comprend des dirigeants et hauts responsables de sociétés comme Engie (ex-GDF Suez), Iberdrola (société espagnole de production énergétique), Bank of America, Merrill Lynch, Infigen (énergies renouvelables en Australie) et NRG Energy (producteur américain basé sur les combustibles fossiles et le renouvelable).
L’idée d’intégrer aux structures de coûts des entreprises un prix pour les émissions de carbone — qui ultimement sont refilées aux utilisateurs finaux et aux consommateurs — fait son chemin depuis quelques années. Un groupe de travail mis sur pied par le Conseil de stabilité financière et dirigé par Michael Bloomberg a recommandé l’an dernier que les enjeux climatiques fassent l’objet des obligations de transparence minimales que doivent honorer les entreprises.
Un autre rapport, dévoilé lundi, a plaidé pour une augmentation importante du prix de la tonne métrique de CO2. Dirigée par les économistes Joseph Stiglitz et Nicholas Stern, la commission a estimé que la fourchette des prix en 2020 devrait se situer entre 40 et 80$US la tonne.
Selon la Banque mondiale, plus de 40 pays et 20 gouvernements subnationaux ont instauré un ou l’autre des systèmes de tarification du carbone.