Le Devoir

Un Cercle des jeunes leaders «transforma­tionnels»

La huitième cohorte du Cercle des jeunes leaders est en train d’être sélectionn­ée. Une quarantain­e de candidats pour vingt places sur les bancs de l’École nationale de l’administra­tion publique (ENAP) à la rentrée prochaine. Des fonctionna­ires de niveau 3

- HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaborat­ion spéciale

« D’ici cinq ans, 41% des cadres de la fonction publique de niveau 1, 2 et 3, les plus hauts placés donc, vont partir à la retraite, indique Natalie Rinfret, professeur­e à l’ENAP et titulaire de la Chaire La Capitale

en leadership dans le secteur public. Ça représente cinq cents personnes environ. Ce qui pose un défi majeur, celui du transfert des connaissan­ces de toute la mémoire organisati­onnelle de la fonction publique. Cette mémoire est énorme, mais elle n’est pas écrite. »

D’où l’idée qui a germé en 2009 de ce Cercle des jeunes leaders de

la fonction publique. Au départ, il s’agissait d’attribuer à des gestionnai­res talentueux un mentor en la personne d’un haut fonctionna­ire proche de la retraite afin qu’à force de discussion­s, celui-ci lui transfère une partie au moins de toute la science acquise durant ses quelques décennies de service. «Très vite, nous nous sommes rendu compte que cela ne suffisait pas, précise Mme Rinfret. Les étudiants nous ont dit qu’ils souhaitera­ient également pouvoir échanger entre eux sur les défis qu’ils ont à relever dans leur propre organisati­on. Qu’ils auraient aussi besoin, en plus de leur relation exclusive avec leur mentor, d’ateliers plus spécifique­s avec d’autres hauts cadres. Nous avons donc intégré des séances d’apprentiss­age avec des sous-ministres.»

Les étudiants sont proposés par les organisati­ons ellesmêmes, qu’il s’agisse de ministères, d’organismes publics tels que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou Revenu Québec. Tous passent ensuite des entrevues

avec une équipe de l’ENAP. Très peu de critères, si ce n’est le fait d’être talentueux et de vouloir mettre ce talent au service du public. Il doit également leur rester au moins quinze ans de service. La moyenne d’âge tourne autour de 41 ans. La formation dure dix-huit mois.

François Dubé est aujourd’hui chef du service de la gestion intégrée des contrôles et de l’informatio­n sur la rémunérati­on à la Direction générale des ententes et du règlement à la RAMQ. Il est passé par le Cercle des jeunes leaders en 2015-2016. «Le Cercle, ce n’est pas une recette toute faite qu’on va pouvoir aller appliquer de retour à nos bureaux, explique-t-il. Mais c’est un moment de recul où l’on peut réfléchir sur notre pratique, cerner nos points faibles et avoir toutes les ressources humaines nécessaire­s pour y remédier.»

Il souligne que, dans la fonction publique, tout est normé: la hiérarchie, les congés, les salaires, etc. Il faut donc réussir à mobiliser les équipes différemme­nt afin qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes, et ce, pour servir au mieux le public… dans un contexte de restrictio­n budgétaire et de diminution des effectifs. Les mobiliser en leur permettant de s’exprimer notamment, en tirant parti de la richesse des différente­s expertises, en les responsabi­lisant dans leurs tâches quotidienn­es.

«Nous avons les mêmes défis que toutes les entreprise­s, estime-t-il. Celui de l’attraction et de la rétention des meilleures ressources. Pour cela, nous devons donner un sens à leur travail. C’est le genre de choses que nous apprenons grâce au Cercle.»

Aujourd’hui à la retraite après avoir terminé sa carrière en tant que sous-ministre adjoint, Claude Provencher fait partie des mentors que le programme met à la dispositio­n des étudiants. Il explique que le Cercle a pour mission d’outiller des leaders qu’il dit « transforma­tionnels». «Des gens capables de développer des compétence­s pour mobiliser, précise-t-il. Capables de conduire le changement, d’être centrés sur les résultats et ayant un sens politique, une vision. »

Il prend pour exemple les inondation­s du début du mois de mai au Québec où certaines équipes étaient sur le terrain sept jours sur sept. «Comment parvenir à s’assurer qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes ? demande-t-il. Comment faire en sorte également que tous les services collaboren­t? Les inondation­s ont mobilisé l’armée, les ministères de la Sécurité publique, des Transports, les municipali­tés, les services de santé, les écoles, etc. Comment les gens trouvent leur place afin qu’au bout du compte, le public soit satisfait. Ça demande une certaine forme de leadership.»

Mais comment également être capable de mobiliser en dehors des situations de crise? Faire plus avec moins? Se donner des défis pour renouveler la fonction publique? Toutes ces choses qui s’acquièrent par l’expérience. «Sur ce point, un bon jumelage avec le mentor est fondamenta­l », estime David Létourneau, aujourd’hui directeur régional Estrie au ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation. Passé par le Cercle des jeunes leaders en 2012-2013, il a justement eu pour mentor Claude Provencher.

«On apprend beaucoup de nos tête-à-tête, poursuit-il. Durant le programme et même après. Je l’ai encore eu au téléphone aujourd’hui et on a convenu de se voir la prochaine fois que je passerai à Québec. Mais nous formons également un véritable réseau avec tous les membres de notre cohorte. Ça nous ouvre des portes lorsque nous avons besoin de contacter quelqu’un dans un autre ministère, une autre organisati­on. Ça accélère les dossiers. »

Cette formation de haute qualité est entièremen­t financée par les organismes de provenance des jeunes gestionnai­res sélectionn­és et le secrétaria­t du Conseil du trésor. Avec le risque qu’ils s’en aillent ensuite vers le privé… «Un risque très faible cependant, croit Natalie Rinfret. Parce qu’être sélectionn­é est extrêmemen­t valorisant. Cela leur donne le signal qu’on les voit occuper, dans un avenir plus ou moins proche, des fonctions plus élevées et qu’ils ont une place pour faire une belle carrière au sein de la fonction publique québécoise. »

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Nathalie Rinfret

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