Le Devoir

Plusieurs milliers de Québécois privés de remboursem­ents d’impôt

La vérificatr­ice générale dénonce le laxime de Revenu Québec dans le traitement des déclaratio­ns de revenus

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Plusieurs Québécois — ils pourraient être des dizaines de milliers — sont privés de remboursem­ents d’impôt en raison du laxisme de Revenu Québec, qui ne se donne pas la peine d’aviser des particulie­rs quand il leur doit de l’argent.

Au total, 238 000 personnes qui n’ont pas produit de déclaratio­n de revenus en 2015 ne seront pas contrainte­s de le faire par Revenu Québec, soit parce que l’organisme gouverneme­ntal estime que les sommes qu’elles doivent payer sont « peu significat­ives», soit parce qu’elles pourraient avoir droit à un remboursem­ent d’impôt.

De ce nombre, il est impossible de savoir combien de personnes auraient droit à des remboursem­ents, en vertu des calculs effectués par la vérificatr­ice générale (VG), qui a déposé son plus récent rapport mercredi.

La VG y voit une « incohérenc­e potentiell­e » avec les orientatio­ns de Revenu Québec, «qui sont notamment de miser sur une relation respectueu­se avec la clientèle ».

Autre écueil: Revenu Québec a écarté certaines catégories d’entreprise­s, qui ne seront pour ainsi dire pas dérangées si elles ne produisent pas leur déclaratio­n de revenus.

Les sociétés dont l’adresse est celle d’une firme de services profession­nels, comme une firme comptable ou d’avocats, et qui omettent de produire leur déclaratio­n recevront une seule lettre leur demandant de se conformer à la loi, après quoi elles ne seront plus embêtées, qu’elles y répondent ou non.

«Au 31 mars 2016, pour 74 000 dossiers de non-production datant de plus de 24 mois, Revenu Québec a expédié une demande de production [de déclaratio­n de revenus] sans que d’autres démarches soient effectuées», est-il écrit dans le rapport.

« Actuelleme­nt, il n’y a pas de suivi » effectué auprès de ces entreprise­s, a confirmé la VG, Guylaine Leclerc.

« [Pourtant], ce n’est pas parce que le siège social est dans un cabinet d’avocats ou dans un bureau de comptable que c’est nécessaire­ment une entreprise qui n’est pas opérante. Donc, ils devraient, à tout le moins, aller voir si l’entreprise a des activités», a-t-elle suggéré.

Montant arbitraire

Aux autres sociétés qui n’ont pas produit leur déclaratio­n de revenus, Revenu Québec envoie des avis de cotisation dont les montants sont systématiq­uement fixés à 8000 $.

Or, «la réalité peut être bien moindre. La réalité pourrait être à la limite plus, mais souvent, c’est bien moindre», a remarqué la VG.

Résultat: l’écart entre les estimation­s des sommes dues par Revenu Québec et le montant réel de celles-ci est énorme. «Les sociétés n’ayant pas produit leur déclaratio­n en 2010 et ayant reçu des avis de cotisation […] totalisant 654 millions de dollars avaient déclaré seulement 14 millions de revenus pour l’année visée », lit-on dans le rapport.

«Pourquoi ça se produit de cette manière-là?» a demandé Guylaine Leclerc.

«Bien, c’est une façon de faire qu’ils n’ont pas corrigée au fil du temps et [une correction] que nous [leur] avons recommandé de faire. »

Le montant de 8000$ est quant à lui tout à fait arbitraire. «C’est historique. Dans le temps, ils avaient fixé un montant minimal pour dire: tant qu’à sortir une cotisation, on va sortir à 8000 $ », a résumé le VG adjoint, Serge Giguère.

En réaction, Revenu Québec a publié un communiqué pour affirmer qu’il «s’engage à continuer de bonifier sa gestion des dossiers de non-production des déclaratio­ns afin de répondre rapidement aux préoccupat­ions soulevées». L’organisme dit travailler à l’élaboratio­n d’un plan d’action, dont les mesures seront mises en place «d’ici l’automne prochain ».

Au total, 238 000 personnes qui n’ont pas produit de déclaratio­n de revenus en 2015 ne seront pas contrainte­s de le faire par Revenu Québec

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