Couillard se défend d’avoir menti sur ses relations avec Marc-Yvan Côté
Les révélations embarrassantes du bureau d’enquête de Québecor se multiplient
Traité de menteur, le premier ministre Philippe Couillard a nié mercredi avoir leurré la population québécoise sur sa relation avec l’ex-collecteur de fonds tombé en disgrâce Marc-Yvan Côté.
Au printemps 2012, M. Couillard a invité M. Côté à sa résidence de Saint-Félicien afin de participer à une séance de remue-méninges sur les médias après la diffusion d’un reportage de l’émission Enquête dans lequel l’ex-ministre banni à vie du Parti libéral du Canada a été éclaboussé, a révélé Le Journal de Montréal mercredi matin. «J’ai essayé de t’appeler par [sic] ton cell afin de discuter des médias, etc. Enfin, si tu as le goût d’en parler avec un ami et de “brainstormer”, ne te gêne pas», avait-il écrit dans un message coiffé du titre « Bon… ». M. Côté l’a remercié quelques heures plus tard pour le « renouvellement de [son] amitié». « Cela me permet de passer des moments difficiles [sic]. Je te téléphone la semaine prochaine», a-t-il ajouté. «Parfait, “any time”. Et si tu veux monter au lac relaxer, la porte est ouverte!» a répondu enfin M. Couillard.
En mars dernier, le chef du gouvernement n’avait pourtant dit mot de cette invitation lancée à M. Côté en 2012. « Quand vous n’étiez plus en politique [2008-2012], vous avez eu des rapports avec Marc-Yvan Côté?» lui avait demandé un reporter. «Je me souviens peut-être de l’avoir croisé une fois à un souper-bénéfice d’une rivière de pêche, mais c’est tout », avait-il répondu.
Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, soutient que M. Couillard a alors berné la population sur sa relation d’amitié avec M. Côté. «La liste de ses déclarations contradictoires sur un sujet précis, ses rapports avec MarcYvan Côté sont, à sa face même, le récit de quelqu’un qui ne cherche pas la vérité, mais qui cherche à cacher la vérité», a-t-il déclaré lors d’un point de presse en matinée. À ses yeux, M. Couillard a «zéro crédibilité» en matière d’éthique.
L’élu solidaire Amir Khadir soupçonne M. Couillard d’avoir entretenu, entre 2008 et 2012, de soi-disant liens d’amitié avec M. Côté, dont il « [connaissait] très bien [l]es compétences pour amasser de l’argent», au cas où il briguerait la chefferie du PLQ. « Le premier ministre devient en quelque sorte le premier menteur du Québec. »
«De quoi le futur chef du Parti libéral pouvait bien avoir envie de “brainstormer” avec le déshonorant récidiviste Marc-Yvan Côté?» a demandé le député caquiste Éric Caire lors de la période des questions.
« Je ne mets pas les gens à la poubelle. Je ne les renie pas. Je leur donne un droit de parole et je veux les écouter. J’ai offert ça à M. Côté, de venir me voir et d’en parler, comment il vit ça, qu’estce qu’il voit là-dedans», a déclaré M. Couillard dans le Salon bleu.
Le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, a attiré l’attention du Conseil de presse sur cette prétendue cabale menée par Québecor Média contre le gouvernement libéral. Or, le tribunal d’honneur de la presse québécoise ne lèvera pas le petit doigt tant et aussi longtemps que M. Fournier — ou toute autre personne — ne lui aura pas soumis, par écrit, une plainte assortie d’« un exposé clair, précis et succinct des faits expliquant [son] objet et [ses] motifs». M. Fournier s’y refuse, pour l’instant.
«Le Conseil n’a pas de pouvoir d’autosaisie. Donc, de son propre chef, il ne peut décider de s’intéresser à une question», a indiqué le porteparole du Conseil de presse, Julien Acosta.
M. Fournier a pourfendu mercredi Le Journal de Montréal, l’accusant de servir les visées politiques de son propriétaire — et ex-chef du Parti québécois — Pierre Karl Péladeau en faisant tout un tapage avec une vieille correspondance entre «deux citoyens», soit Philippe Couillard et Marc-Yvan Côté. «Je pense que cette information-là dans son traitement relève plus du discours politique partisan que de la nouvelle politique», a déclaré M. Fournier, à moins d’un an et demi des prochaines élections générales.
Le Conseil de presse s’est abstenu de tout commentaire sur la sortie de M. Fournier, disant observer un strict devoir de réserve. « [Des élus] du Parti libéral peuvent penser ce qu’ils veulent et le dire sur la place publique. Ce n’est pas au Conseil de presse à condamner ou à approuver ce gendre de commentaire», a conclu M. Acosta.