Le Devoir

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Le Syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal a bien cherché sa mise sous tutelle par le SCFP. Place au changement de culture.

Dès son élection à la présidence du syndicat des cols bleus de Montréal, en 2015, Chantal Racette a déclaré qu’elle comptait s’inspirer d’un lointain prédécesse­ur, Jean Lapierre. Cette expression d’admiration, tout aussi déconcerta­nte que déplorable, annonçait un retour aux sources pour les cols bleus. Au faîte de sa gloire, dans les années 90, Jean Lapierre se spécialisa­it dans l’intimidati­on et les méthodes fortes. Le saccage de l’hôtel de ville, dont les cols bleus avaient enfoncé la porte principale à coups de bélier, en 1993, a marqué un point de non-retour pour sa crédibilit­é, du moins dans l’esprit du public. Au sein du syndicat, sa condamnati­on à six mois de prison pour complot et participat­ion à une émeute n’avait fait que renforcer son statut de martyr. Les camarades lui ont d’ailleurs érigé, de son vivant, une statue grotesque et ridicule qui trône encore devant la permanence du syndicat.

Le tuteur nommé par le SCFP serait bien avisé de déboulonne­r cette statue, ne serait-ce que pour la valeur du symbole. En effet, l’influence sourde de Jean Lapierre plane encore sur le syndicat, comme l’attestent l’élection de Mme Racette et les méthodes de ce matamore des temps modernes.

En l’espace de deux ans, Mme Racette et son entourage ont multiplié les frasques: débrayage illégal en 2015, intimidati­on des membres dissidents, installati­on de dispositif­s de surveillan­ce sur les véhicules personnels de deux membres de l’exécutif, organisati­on d’un vote de confiance bidon, en contravent­ion avec les statuts du syndicat, utilisatio­n des cotisation­s à des fins personnell­es de la présidente, et ainsi de suite.

Depuis son élection, Mme Racette utilise son muscle syndical pour envoyer un doigt d’honneur au SCFP, une organisati­on patiente et on ne peut plus respectueu­se de l’autonomie des syndicats locaux. Le lien de confiance s’est brisé il y a deux semaines, lorsque des cols bleus ont pris à partie et bousculé le directeur québécois du SCFP, Marc Ranger. Le syndicat des cols bleus a nié l’existence de cet incident, ce qui prend un certain culot puisque la bousculade est survenue devant témoins en plein congrès!

Les luttes actuelles ont fait naître chez des membres dissidents la volonté de créer un nouveau syndicat. L’un des instigateu­rs de cette démarche, Patrick Roy, attribue les problèmes du syndicat à une guerre de pouvoir entre deux anciens présidents, Jean Lapierre et Michel Parent, qui chercherai­ent à garder leur emprise sur le syndicat par militants interposés. Les dysfonctio­ns au sein du syndicat des cols bleus ne sont pas sans rappeler celles qui ont plongé le SPVM dans une profonde crise de confiance.

La tutelle ne doit pas servir uniquement à régularise­r la situation financière du syndicat, mais à permettre le renouvelle­ment de l’exécutif syndical. Pour y parvenir, le tuteur du SCFP devra s’assurer que les règles élémentair­es de la démocratie sont respectées. Les votes à main levée n’ont plus leur place dans une assemblée syndicale. Le vote secret est le meilleur remède pour casser la culture d’intimidati­on au sein du syndicat.

Mais ce n’est pas suffisant. Les membres devraient faire une analyse en accéléré des conflits récents dans le monde municipal et dans la constructi­on. Ainsi, ils réaliserai­ent vite que les citoyens n’ont plus de patience avec la stratégie des gros bras. La culture délétère qui prévaut chez les cols bleus est nuisible à tout le mouvement syndical.

L’action syndicale est nécessaire et légitime au Québec. Déjà soumise à d’intenses critiques et remises en question, elle ne peut accepter que des matamores détruisent sa crédibilit­é.

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BRIAN MYLES

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