Le Devoir

Notre regard en péril

-

Lindustrie du documentai­re québécois était réunie à Montréal mardi pour lancer un cri d’alarme. Alors que le documentai­re est un genre populaire à travers le monde et sur les plateforme­s numériques comme Netflix, sa production décline au Québec. Le problème est complexe, les solutions, multiples. Celle qui est le plus souvent évoquée est l’imposition de la TPS sur les services de radiodiffu­sion par Internet (SRI) afin d’atténuer la concurrenc­e déloyale subie par les câblodistr­ibuteurs. Mais ce sont les gouverneme­nts qui engrangera­ient les revenus.

Pour aider l’industrie d’ici, il faut exiger des SRI qu’ils investisse­nt une part de leurs revenus dans la production de contenu québécois et canadien original, comme le font les câblodistr­ibuteurs par le biais du Fonds des médias du Canada. S’il faut pour cela changer la Loi sur la radiodiffu­sion, qu’on la change. Malheureus­ement, le gouverneme­nt fédéral s’entête à écarter cette solution adoptée par la France. Le Canada est aussi à la traîne pour ce qui est de l’imposition de quotas de contenu original national. La Commission européenne vient d’adopter une règle permettant à ses membres d’exiger des SRI qu’ils réservent au moins 20% de leur catalogue à des oeuvres européenne­s. La France exige déjà davantage.

Il faut les imiter, sinon on n’assistera à rien de moins que la marginalis­ation de la culture québécoise et francophon­e sur nos écrans de télévision et d’ordinateur, de plus en plus de citoyens accédant aux oeuvres audiovisue­lles par le biais de SRI étrangers.

Le gouverneme­nt Trudeau a réinvesti dans plusieurs institutio­ns culturelle­s, mais les budgets de Radio-Canada et de l’Office national du film sont toujours inférieurs à ce qu’ils étaient il y a dix ans. Et il n’a toujours pas changé les règles du Fonds des médias adoptées sous les conservate­urs. La cote d’écoute est devenue la reine, rendant les télédiffus­eurs beaucoup moins enclins à soutenir des documentai­res uniques.

Tout ce contexte a eu un effet désastreux sur le milieu du documentai­re. Plusieurs producteur­s et documentar­istes ont fermé boutique. Ceux qui restent ont souvent vu leurs revenus décliner, quand ils n’ont pas travaillé gratuiteme­nt pour terminer des projets leur tenant à coeur.

Le temps presse. La survie de l’industrie du documentai­re est en jeu et, par ricochet, notre capacité de porter notre propre regard sur notre société et sur le monde. On attend toujours le résultat de la consultati­on menée par la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, sur «le contenu canadien dans un monde numérique». Il faut espérer qu’elle accouchera d’un plan d’action qui fera davantage qu’«encourager», comme elle dit, les américaine­s Google, Facebook et Netflix à soutenir la production canadienne.

 ??  ?? MANON CORNELLIER
MANON CORNELLIER

Newspapers in French

Newspapers from Canada