Le Devoir

Plaidoyer pour une interventi­on militaire au Venezuela

- GÉRARD LATULIPPE Ancien haut-commissair­e du Canada et ancien délégué général du Québec

Le principe de non-interventi­on dans la souveraine­té d’un pays est inscrit dans la charte des Nations unies. Or cette règle de droit internatio­nal n’est pas absolue car la souveraine­té implique aussi l’obligation pour un pays de protéger ses citoyens. Lorsqu’une population subit des préjudices majeurs à la suite de la répression infligée par son gouverneme­nt et que celui-ci refuse ou néglige de redresser la situation, c’est la responsabi­lité de la communauté internatio­nale d’agir à sa place. Cette règle de droit s’appelle la responsabi­lité de protéger. Elle prend sa source des déclaratio­ns, engagement­s et traités internatio­naux sur les droits de la personne, de même que dans la loi internatio­nale humanitair­e.

Les conditions pour appliquer cette norme de droit internatio­nal existent au Venezuela, mais la communauté internatio­nale n’assume pas pleinement sa responsabi­lité de protéger le peuple vénézuélie­n.

Un pays détruit par son propre gouverneme­nt

Le Venezuela est un pays en faillite. Ses dirigeants, au niveau du pouvoir exécutif, sont des prédateurs des droits de l’homme, des corrompus liés aux activités illicites, dont le trafic de la drogue et des armes ainsi que le blanchimen­t d’argent. Ils ont dilapidé les ressources de l’État et détruit l’économie. Le taux d’inflation atteint 1600% en 2017, soit le pire au monde. Plus de 80 % des citoyens du pays sont incapables de se nourrir trois fois par jour. C’est un État qui a déclaré la guerre à son peuple!

La pénurie de médicament­s est telle que la mortalité infantile a augmenté de 36%, et celle des femmes enceintes de 65%. Les hôpitaux sont dévastés. Les diabétique­s, les cancéreux et les personnes atteintes du VIH/SIDA sont condamnés à mort.

Bref, il s’agit d’une crise humanitair­e colossale. Le gouverneme­nt refuse l’aide humanitair­e. Assujettir ainsi intentionn­ellement la population civile à vivre dans un état de pauvreté et de souffrance extrêmes constitue un crime grave contre l’humanité.

Cruelle violence du régime contre les citoyens

Le régime exerce une violence délibérée et systématiq­ue contre ses citoyens parce qu’ils exercent leurs droits fondamenta­ux de manifester contre leurs conditions de vie inhumaines, pour réclamer la tenue d’élections libres et le retour à l’État de droit. Cette répression est menée par la garde nationale, mais aussi par les «collectivo­s», ces milices armées qui comptent quelque 100 000 individus payés par le gouverneme­nt et qui ne font partie d’aucune force de l’ordre.

Récemment, plus de 2000 manifestan­ts ont été arrêtés, souvent battus et traduits devant des tribunaux militaires. De nombreux cas de torture et au moins 50 meurtres ont été rapportés par les ONG locales. De nombreux opposants du régime sont condamnés à la prison par des parodies de tribunaux.

Maduro consolide sa dictature

Le régime tortionnai­re du président Nicolas Maduro a pris des mesures extrêmes visant à annihiler le pouvoir législatif dans le seul souci de saper les bases de la démocratie représenta­tive et de consolider son pouvoir autocratiq­ue. Le eecrétaire général de l’Organisati­on des États américains (OEA), Luis Almagro, la d’ailleurs qualifié ces mesures de coup d’État. Bien plus, le gouverneme­nt a refusé d’honorer la procédure de destitutio­n du président amorcée par l’opposition alors que 1,8 million de signatures avaient été obtenues en quelques jours, soit neuf fois plus que le veut la loi. La Cour suprême du pays a annulé systématiq­uement toutes les lois votées par le Parlement.

La mauvaise foi du régime bolivarien

Depuis des mois, de nombreux pays ont incité au dialogue pour sortir de la crise. En 2016-2017, des efforts de médiation ont été entrepris par la République dominicain­e, le Panama et l’Espagne avec l’appui des États-Unis et du Vatican. Ils ont échoué. Or, pour le Venezuela, ces appels au dialogue et à la médiation deviennent une tactique pour gagner du temps afin de consolider le pouvoir du régime et de réprimer l’opposition.

Le 26 avril dernier, une majorité des États membres de l’OEA a demandé la tenue d’une réunion extraordin­aire pour discuter de la crise du Venezuela. Le gouverneme­nt du Venezuela s’est alors retiré de l’OEA. La décision du gouverneme­nt vénézuélie­n constitue un geste évident de mauvaise foi et démontre son intention ferme de poursuivre la dictature violente de Maduro.

Une interventi­on militaire humanitair­e

Nous en sommes à l’étape où la communauté internatio­nale doit assumer pleinement sa responsabi­lité de protéger la population du Venezuela, conforméme­nt au droit internatio­nal. Il devrait s’agir d’une interventi­on militaire humanitair­e visant essentiell­ement à mettre fin à la violence et à la répression que subit la population, à lui apporter une aide humanitair­e et à faciliter un climat propice à la restaurati­on de l’ordre démocratiq­ue. Cette opération militaire pourrait être menée par une coalition d’États de l’OEA. C’est l’ultime recours et l’option la plus perspicace pour éviter des massacres à grande échelle ou le spectre d’une guerre civile qui avilirait tout le système internatio­nal et notre humanité commune.

L’OEA ou les pays membres devraient donc saisir le Conseil de sécurité de l’ONU afin de débattre de cette question et de mettre en place cette interventi­on militaire.

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FERNANDO LLANO ASSSOCIATE­D PRESS Des manifestan­ts protestent contre le gouverneme­nt Maduro à Caracas. La communauté internatio­nale n’assume pas pleinement sa responsabi­lité de protéger le peuple vénézuélie­n.

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