Le chant de l’urgence de Meryem Saci
La chanteuse rappeuse de Nomadic Massive lance un mixtape de chansons originales
C’estunegrandevoix:ses élans de puissance rappellent parfois ceux de Betty Bonifassi, mais elle peut caresser une chanson ou se multiplier au point de devenir une chorale à elle seule. Meryem Saci fait paraître On My Way, officiellement un mixtape, mais composé exclusivement de chansons de son cru livrées avec des musiciens. C’est un chant de l’urgence, vibrant et emporté, surtout de facture soul-R’n’B-urban, mais qui ouvre aussi vers des voies afro-arabes qui seront davantage mises en évidence dans le prochain disque.
Elle se produit au FIJM à l’extérieur le 7 juillet. Dire qu’elle en est heureuse est un euphémisme: «C’est mon rêve depuis que je suis arrivée ici. J’avais promis ça à ma mère», s’exclame-t-elle. Un rêve qui remonte à l’an 2000, alors que les deux sont arrivées ici comme réfugiées politiques pour échapper à la guerre civile qui sévissait en Algérie. La mère croyait à la force de sa fille. Meryem s’en est souvenue.
« On My Way, on l’a fait à travers la guerre et à travers le terrorisme. On nous a arrêtées, on a essayé de nous limiter en tant que femmes, on a voulu nous dire comment parler, comment ne pas parler. On My Way, c’est un peu ça, le message. “You’re not gonna stop me.” La peur ne va pas m’arrêter. Je viens de trop loin pour tenir aujourd’hui ce que j’ai pour acquis. Je lève ma voix pour ceux qui n’ont pas eu la même chance que moi.»
Elle porte en elle le nord et l’ouest de l’Algérie: de la porte du Sahara, de la région de son père, à Tlemcem, la ville de la famille noble de sa mère. Dans le quartier Bologhine au bord de la mer à Alger, où elle a grandi, Meryem ne pouvait chanter le raï ou le chaâbi à cause des interdictions de l’époque. Elle a donc cultivé une autre passion: « Je suis tombée amoureuse du gospel et des stars inatteignables de l’autre côté de l’Atlantique: Aretha, Withney, Mariah et Céline. En gros, tout ce qui était soul-R’n’B. On aurait dit que j’avais grandi avec eux, et j’arrivais à imiter leurs phonétiques. On n’avait pas de concerts et j’ai fait mon premier avant d’en avoir vu un. Je me disais aussi que j’aurais dû être née là-bas et que j’aurais dû être dans une chorale gospel.»
À son arrivée à Montréal à 13 ans, elle en trouvera une, alors qu’elle se fera littéralement adopter par la communauté haïtienne de MontréalNord, et particulièrement par la chorale Nouvelle Génération, avec qui elle chantera. En 2005, après une intrusion dans le monde du rap des gangsters au sein de Royal Peasants, elle se joint à Nomadic Massive, qui lui fait découvrir le caractère multilingue de l’art montréalais. Elle écrivait déjà en français et en anglais. Elle chantait, mais a mis un certain temps avant de rapper avec aisance.
Dans On My Way, elle chante la détermination, l’ambition, la volonté de surpasser le chaos de la vie. « We can », clame-t-elle à plusieurs reprises en disant, en rappant, en chantant et en s’éclatant vocalement. « J’aime beaucoup le concept choral, j’aime les harmonies, j’aime écrire une histoire mélodiquement, je m’overdub beaucoup et j’écris beaucoup de couches musicales.»
Réalisé avec Mario Sevigny, On My Way révèle des musiques de Caulder Nash, Malika Tirolien, Rhys, Rodzang, Dr Mad et Meryem elle-même. Avec Tali Taliwah, elle ajoute une couleur dancehall et avec Bouba Kirikou, elle lorgne vers d’autres langues. Dans Concrete Jungle et dans On My Way, un esprit tribal apparaît et donne un avant-goût du prochain disque. Sinon, l’album est ponctué de batterie électronique, de basse et de clavier, ou de quelques éléments de cuivres, de guitare et même de beatbox avec Xwam. Meryem explique l’urgence du disque: «Je ne suis pas venue d’aussi loin pour rien. C’était le temps de le faire. Pour moi et ma mère.»
ON MY WAY Meryem Saci Indépendant