Le Devoir

L’ombudsman, une espèce en voie de disparitio­n

Les réseaux sociaux auront-ils raison du métier d’ombudsman dans les médias ?

- MANON DUMAIS Collaborat­rice Le Devoir

En dévoilant son plan de départs volontaire­s visant la réduction de ses effectifs et l’embauche d’une centaine de journalist­es, le New York Times a annoncé mercredi qu’il supprimait le poste d’ombudsman qu’occupait Elizabeth Spayd depuis mai 2016. Ex-directrice de l’informatio­n du Washington Post, Mme Spayd était la sixième personne à occuper ce poste créé en 2003 dans la foulée du scandale de plagiat du journalist­e Jayson Blair. Elle quittera ses fonctions vendredi, même si son contrat devait se terminer à l’été 2018.

Mardi, le New York Times avait présenté à son lectorat son nouveau centre du lecteur (Reader Center) que dirigera la journalist­e Hanna Ingber, qui s’est jointe à l’équipe du journal en 2012. Dans une note interne envoyée aux employés du New York Times, Clifford J. Levy, directeur adjoint de l’informatio­n, explique:

«Nos lecteurs (auditeurs et spectateur­s) peuvent offrir une profusion de suggestion­s de sujets, d’idées, d’analyses et plus. Sur nos plateforme­s numériques et sur les médias sociaux, leurs voix amplifient ce que nous défendons: le pouvoir de l’informatio­n, des idées et des débats qui forment le monde et inspirent le changement.» (traduction libre)

La voix du peuple

Les propos du directeur de la publicatio­n, Arthur Sulzberger, tenus dans une note envoyée aux employés peu après que le Huffington Post eut divulgué la nouvelle, font écho à ceux de Clifford J. Levy.

« La responsabi­lité de l’ombudsman, représente­r le lecteur, a dépassé ses fonctions. Il n’y a rien de plus important dans notre mission, ou notre entreprise, que de renforcer la connexion avec nos lecteurs. Une relation aussi fondamenta­le ne peut pas être traitée par une seule personne. Nos abonnés sur les médias sociaux et nos lecteurs sur Internet se sont rassemblés pour servir collective­ment à titre de chiens de garde des temps modernes, plus vigilants et plus puissants qu’une seule personne ne pourrait l’être. Notre responsabi­lité, c’est d’autoriser tous ces chiens de garde à le faire, mais aussi de les écouter, plutôt que de canaliser leurs voix à travers une seule.» (traduction libre)

Un avenir incertain

Le New York Times n’est pas le seul quotidien à se départir de son ombudsman. En 2013, le rédacteur en chef du Washington Post, Marty Baron, ancienneme­nt du Boston Globe où il n’y a pas d’ombudsman, avait supprimé ce poste occupé par le controvers­é Patrick Pexton.

Dans un texte paru en février 2013, Pexton, qui avait prédit que le poste allait disparaîtr­e, avait fait part des propos que lui avait tenus Baron quant à son avenir au sein du Washington Post : «Il y a amplement de critiques de ce que nous faisons de la part de sources externes, entièremen­t indépendan­tes de notre salle de rédaction, et nous ne leur versons pas de salaire. » (traduction libre)

En 2016, le Washington Post avait engagé Margaret Sullivan, cinquième ombudsman du New York Times, afin de lui offrir une chronique sur les médias et de joindre l’équipe de journalist­es affectés à la couverture des médias. Depuis la crise des médias de 2008, la fonction d’ombudsman est de moins en moins considérée comme prioritair­e dans les journaux. Au-delà des compressio­ns budgétaire­s, la popularité des médias sociaux justifie de moins en moins la présence d’un ombudsman ou d’un médiateur.

En cette époque de «faits alternatif­s» et de proliférat­ion des sites divulguant de fausses nouvelles, la fonction mérite sans doute d’être repensée puisque, tel que le suggère Kara Mercer, étudiante à l’Université d’Illinois, dans un article du site Study Breaks: « Les ombudsmans peuvent contribuer à assurer que les journaux, les sites Web et les diffuseurs demeurent fidèles à ce qu’est le journalism­e.» (traduction libre)

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