Le Devoir

La police de Laval exprime ses regrets

Des policiers ont utilisé de faux arguments pour être autorisés à espionner un collègue

- AMÉLI PINEDA

La police de Laval « regrette » d’avoir heurté des membres des médias avec les propos vulgaires tenus par un ancien policier à l’égard de Monic Héron, journalist­e au 98,5 FM. Elle ne s’est toutefois pas excusée de les avoir utilisés devant un juge de paix afin d’obtenir l’autorisati­on d’espionner un policier.

Jeudi, les propos disgracieu­x contenus dans une déclaratio­n sous serment de la police de Laval, présenté devant la commission Chamberlan­d, ont semé la controvers­e non seulement parce qu’ils étaient vulgaires, mais aussi parce qu’ils étaient faux.

Dans le cadre d’une enquête visant à retracer les fuites médiatique­s au sein de la police de Laval, le sergent Hugues Goupil a obtenu un mandat pour espionner le policier Dominico Di Genova en disant notamment au juge qu’on le soupçonnai­t d’avoir transmis de l’informatio­n à la journalist­e Monic Néron dans le but d’avoir des relations sexuelles avec elle.

Le sergent Goupil savait pourtant que c’était faux, puisque les textos échangés entre Mme Néron et le policier Dominico Digenova avaient été scrutés et qu’ils ne révélaient rien de tel.

La police de Laval avait soupçonné que quelqu’un à l’intérieur du service coulait de l’informatio­n quand la journalist­e Monic Néron avait fait état en ondes d’une opération antidrogue au moment même où elle se déroulait. L’opération a eu lieu en décembre 2014 et visait notamment un pompier.

Cette fuite aurait pu mettre en danger la sécurité des agents impliqués, selon la police.

Mme Néron, qui a témoigné jeudi à la commission Chamberlan­d, a confié avoir vécu un «moment surréalist­e» lorsqu’elle a entendu ces propos, qu’elle qualifie de « disgracieu­x » et d’«irrespectu­eux».

« Ce sont des termes dignes d’hommes du Néandertal […] Je ne pense pas que, si je m’étais appelée Patrick Lagacé, Félix Séguin ou Claude Poirier, on aurait osé écrire ça de cette façon-là», a-t-elle souligné.

La journalist­e spécialisé­e dans les affaires policières et judiciaire­s a déploré l’attitude des policiers à l’égard de son travail.

«Est-ce que ça se peut que j’aie bien fait mon travail? […] C’est ce qu’on a esquissé, parce que, pour les policiers, les gens qui acceptent de nous parler, il faut que ce soit pour quelque chose et ce quelque chose est de nature sexuelle. C’est déplorable de penser cela. Pas pour moi uniquement, mais pour toutes les femmes», a-t-elle souligné.

Excuses exigées

Le président de la Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec, Stéphane Giroux, s’est dit scandalisé par les mots utilisés dans le document des policiers. Il a exigé des excuses.

En fin d’après-midi, le Service de police de Laval (SPL) a exprimé ses regrets par voie de communiqué. Il fait référence aux paroles de l’ex-lieutenant Anthony Donato qui avaient été retranscri­tes pour obtenir un mandat.

«Le choix des mots utilisés par l’ex-lieutenant­détective Anthony Donato pour décrire son opinion sur les intentions de l’ex-sergent-détective Dominico Di Genova est en effet déplorable», écrit le directeur du SPL, Pierre Brochet.

Il indique également que «ce langage n’est aucunement représenta­tif de celui utilisé par l’ensemble des policiers de Laval, reconnus pour leur profession­nalisme et leur intégrité».

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