Le Devoir

Une transactio­n entachée par la malversati­on, croit un ancien haut fonctionna­ire

- JEANNE CORRIVEAU

Quand il a démissionn­é de son poste de directeur à la Direction des stratégies et transactio­ns immobilièr­es de la Ville de Montréal (DSTI) en 2007, Joseph Farinacci estimait que le dossier du Faubourg Contrecoeu­r avait fait l’objet de manoeuvres de «malversati­on». M. Farinacci s’était d’ailleurs opposé à la vente du terrain, qu’il jugeait désavantag­euse pour la Ville, a-t-il expliqué jeudi lors de son témoignage au procès du Faubourg Contrecoeu­r.

L’administra­tion de Gérald Tremblay voulait mandater la Société d’habitation et de développem­ent de Montréal (SHDM) pour développer le projet du Faubourg Contrecoeu­r sur un terrain appartenan­t à la Ville. Il avait été convenu de vendre le terrain à la SHDM, qui devait ensuite le revendre à un promoteur par appel d’offres.

Le prix de vente a été fixé à 14,8 millions. Si la SHDM devait revendre le terrain à meilleur prix, 70% des profits devaient être versés à la Ville et 30% à la SHDM, a expliqué M. Farinacci.

«J’étais globalemen­t d’accord avec les 14,8 millions parce qu’on vendait à notre “cousin”, la SHDM », a dit M. Farinacci. Il croyait cependant que le terrain valait davantage et qu’un appel d’offres permettrai­t d’obtenir un prix plus avantageux.

Une étude préliminai­re avait établi à 11 millions le coût approximat­if de la décontamin­ation du terrain. Mais ce montant était « surévalué » et une étude complément­aire était nécessaire, a expliqué Joseph Farinacci, qui dit avoir exigé que la SHDM produise cette étude complément­aire avant que la vente puisse se réaliser.

Mais l’ex-président du comité exécutif de la Ville et accusé dans cette affaire Frank Zampino ne l’entendait pas ainsi. Lors d’une réunion le 14 février 2007, M. Zampino a demandé au fonctionna­ire de faire cheminer le dossier afin qu’il soit prêt pour la semaine suivante. Sans étude complément­aire pour la décontamin­ation, Joseph Farinacci a refusé.

L’administra­tion a passé outre son avis et est allée de l’avant avec la vente. «La transactio­n se faisait malgré moi. On avait contourné les règles usuelles. J’étais perplexe et confus. Je ne comprenais pas pourquoi on voulait laisser aller tout cet argent-là», a indiqué le témoin.

À ce moment, la Ville comptait vendre le terrain à la SHDM pour 14,8 millions en soustrayan­t un montant de 14,7 millions, dont 11 millions pour la décontamin­ation des sols. «Il nous restait juste 100 000$. […] Je n’étais pas d’accord», a commenté le témoin.

Joseph Farinacci a voulu raconter au tribunal sa rencontre avec une connaissan­ce de longue date, l’ingénieur Gino Lanni de la firme Groupe Séguin. Mais le témoin n’a pas pu rapporter la conversati­on, car le juge Yvan Poulin a déterminé qu’il ne pouvait accepter cette preuve.

Joseph Farinacci a cependant relaté cette conversati­on lors de son témoignage devant la commission Charbonnea­u en 2013. Gino Lanni avait laissé entendre qu’il y avait eu des manoeuvres pour faire en sorte que le terrain soit vendu à Catania.

Peu après, M. Farinacci a annoncé sa démission au directeur général de la Ville, Claude Léger, qui a tenté de le retenir en vain. «Je concluais que ce n’était pas une question d’incompréhe­nsion, d’incompéten­ce ou de la mauvaise pratique. C’était davantage une question de malversati­on »,a dit le témoin au tribunal.

Joseph Farinacci a quitté la Ville le 5 mars 2007.

En contre-interrogat­oire, l’avocate de Frank Zampino, Me Isabel Schurman, l’a questionné sur ses rencontres avec le journalist­e de La Presse, André Noël, qui avait signé en 2008 une série d’articles sur la SHDM.

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