Le Devoir

Les indépendan­tistes devront se solidarise­r si le débat constituti­onnel s’ouvre

- SOL ZANETTI Chef d’Option nationale

Philippe Couillard ne lance pas un chantier de négociatio­ns constituti­onnelles pour faire diversion aux révélation­s sur ses liens avec Marc-Yvan Côté. La coïncidenc­e est bonne pour lui, mais il n’a pas pu rédiger un document de 200 pages en une semaine juste pour ça. C’est un projet qu’il avait fait mine de mettre sur la glace, mais qu’il prépare depuis longtemps.

S’il s’était préalablem­ent entendu avec M. Trudeau pour que ça fonctionne, c’eût été un coup de génie. D’abord, il serait allé chercher la part de l’électorat caquiste qui souhaite avoir plus de pouvoir au sein du Canada. Ensuite, son adversaire traditionn­el sur ce champ de bataille, le Parti québécois, est ligoté par sa promesse de ne pas proposer l’indépendan­ce en 2018.

Toutefois, le lendemain de la parution de la nouvelle, M. Trudeau lui donne une gifle en assurant à tout le monde qu’il n’y aura pas d’ouverture de la Constituti­on. Si c’est vrai, l’initiative de M. Couillard tombe à l’eau et il a fait une énorme gaffe. Il a reconnu que le statu quo est insoutenab­le, tout en se faisant bloquer le chemin à une transforma­tion du Canada.

Quatre actions

Si la réponse du premier ministre canadien est sincère, M. Couillard est un piètre stratège. Si toutefois le refus de M. Trudeau n’est qu’une mise en scène et qu’il prévoit de changer d’idée pour donner à tout le monde l’impression que M. Couillard a fait un gain politique, quatre actions deviendron­t alors nécessaire­s.

Le PQ devra revoir sa promesse absurde de n’entreprend­re aucune stratégie indépendan­tiste pour 2018.

Québec solidaire devra revoir le mandat donné à son projet d’assemblée constituan­te, car il faudra avoir une position claire pour s’ opposer à cette tentatived ’« enfirouape ment» constituti­onnel. En effet, si l’ ouverture de la Constituti­on devient l’ enjeu clivant de la prochaine élection, ceux qui auront une position mitoyenne, se laissant interpréte­r en 50 nuances de peut-être, se retrouvero­nt entre deux chaises et seront boudés par l’électorat.

Les négociatio­ns pour la feuille de route des OUI-Québec devront aboutir, car les indépendan­tistes auront plus que jamais besoin d’une stratégie commune. Si on présente trop d’options différente­s dans un débat qui sera aussi polarisé, nous allons perdre. Si le Canada accorde à M. Couillard ne serait-ce que la moitié d’une des cinq conditions qu’il a posées, il va l’accepter plutôt que de perdre la face. Il signera alors la Constituti­on sans référendum, fort de sa majorité parlementa­ire élue par 29% des électeurs inscrits.

Ensuite, QS et le PQ devront envisager l’idée de pactes électoraux temporaire­s à l’aune de la nouvelle conjonctur­e. Je sais que personne n’en a envie, mais là, l’intérêt supérieur de la nation va l’exiger plus que jamais depuis les années 1990.

Pourquoi? Parce que la signature de la Loi constituti­onnelle de 1982 aurait des conséquenc­es terribles. Premièreme­nt, elle donnerait une apparence de légitimité à ce régime conçu pour nier la démocratie québécoise et araser notre différence. Deuxièmeme­nt, parce que la signature de cette loi entraînera­it un autre recul de la loi 101, appuyant constituti­onnellemen­t le droit à l’école anglaise pour les immigrants issus du monde anglo-saxon. Les conséquenc­es sur l’avenir du français en Amérique du Nord pourraient être irréversib­les. Est-ce vraiment ce que nous voulons ?

Peut-être exagère-t-on la menace de cette tentative libérale de nous faire signer la Constituti­on canadienne. Philippe Couillard est peutêtre un piètre stratège. Mais quoi qu’il en soit, nous avons le devoir d’envisager dès maintenant tous les scénarios.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Sol Zanetti lors du congrès de Québec solidaire
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Sol Zanetti lors du congrès de Québec solidaire

Newspapers in French

Newspapers from Canada