Le Devoir

Un talent est un talent, peu importe le sexe

Des musicienne­s prennent la plume pour dénoncer l’inégalité des sexes dans leur milieu

- AMYLIE, MÉLANIE ET STÉPHANIE BOULAY, ARIANE BRUNET, CATHERINE DURAND, ARIANE MOFFATT ET SAFIA NOLIN Musicienne­s et membres de Femmes en musique*

Nous avons choisi un jour de devenir des musicienne­s dans la vie, des créatrices. Loin de nous était alors l’idée d’une inégalité possible entre les sexes dans le milieu des arts et du spectacle, ou même d’une industrie à deux vitesses. Dans notre tête, si nous travaillio­ns fort, si les gens étaient ouverts à entendre nos oeuvres, le traitement que nous recevrions serait le même que celui que reçoivent nos homologues masculins. Parce qu’après tout, un talent est un talent, un succès est un succès, peu importe le sexe.

Finalement, entre chanteuses, musicienne­s, auteures-compositri­ces-interprète­s, technicien­nes et autres intervenan­tes féminines du milieu, nous nous entendons toutes pour dire que le sexisme existe bel et bien dans l’industrie de la musique et que la plupart d’entre nous l’avons vécu, à un moment ou à un autre: ne serait-ce que par les préjugés véhiculés quant à nos connaissan­ces de la technique ou de l’équipement, par la remise en doute de notre talent, de notre expérience ou de notre pertinence.

Depuis la médiatisat­ion récente du contenu de différents festivals québécois, nous avons aussi pris conscience avec consterna- tion de la faible représenta­tion des femmes dans les pro- grammation­s (souvent moins de 30%, et même 10% dans certains festivals, alors qu’à la Société profession­nelle des auteurs et compositeu­rs du Québec, dans le volet Chanson, on recense 42% de femmes inscrites et 49% à l’Union des artistes).

L’automne dernier, nous nous indignions également de constater que la dernière femme à avoir remporté le trophée d’auteur-compositeu­r de l’année à l’ADISQ était Francine Raymond, en 1993. Et c’est sans parler des inégalités salariales (selon certaines statistiqu­es de l’Union des artistes, les femmes gagnent en moyenne 75 % de ce que gagnent les hommes), des inégalités quant à la longévité des carrières (âgisme) et des conséquenc­es négatives de la maternité pour les femmes de notre industrie. Et il s’agit ici de NOTRE milieu exclusivem­ent. Milieu qui, rappelons-le, est déjà souffrant depuis de longues années.

Le sexisme existe bel et bien dans l’industrie de la musique et la plupart d’entre nous l’avons vécu

Ouvrons la discussion

Faut-il en plus que les femmes partent avec un désavantag­e dû à leur genre ? Les artistes féminines de notre scène locale sont débordante­s de talent, elles ont des choses à dire, un public, elles travaillen­t fort et bien. Si elles sont représenté­es en minorité partout, ce n’est pas parce que leur musique n’est pas touchante, groovy, intelligen­te ou moins populaire. Pourquoi alors nous exclut-on à ce point ?

Faudrait-il se résoudre à exiger des quotas proportion­nels à notre représenta­tion dans le milieu, simplement pour retrouver la place qui nous est due ? Ou encore viser la parité en s’inspirant de domaines comme celui de la politique? Serions-nous rendues là, pour arriver à faire en sorte que les femmes qui sont déjà dans l’industrie puissent y rester et que celles qui veulent un jour s’y tailler une place y parviennen­t? Une chose est certaine, on ne peut en rester là. D’autant que l’industrie du spectacle fonctionne en partie grâce aux subvention­s, et que cette utilisatio­n des fonds publics devrait venir avec une responsabi­lité sociale, notamment celle de viser le respect des valeurs d’égalité de notre société.

Acteurs (actrices) de la scène musicale québécoise, soyez au coeur du changement souhaité et nécessaire pour un milieu sain et équilibré qui inspirera les jeunes artistes, musicienne­s, technicien­nes et intervenan­tes du milieu de la musique de demain, à croire que ce métier peut être épanouissa­nt pour TOUS.

Maintenant, ouvrons la discussion pour savoir comment on peut y par venir !

*Ont aussi signé ce texte des centaines de créatrices. On trouvera la liste complète des signataire­s sur nos plateforme­s numériques.

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La chronique de Cathy Wong fait relâche cette semaine.

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