Le Devoir

À quelle heure on arrive ?

À 80 ans, Eleanor Coppola signe une première fiction inspirée de sa vie de couple

- ANDRÉ LAVOIE

PARIS CAN WAIT

1/2 Comédie sentimenta­le d’Eleanor Coppola. Avec Diane Lane, Arnaud Viard, Alec Baldwin, Élise Tielrooy. États-Unis, 2017, 92 minutes.

Personne ne pouvait douter de l’amour d’Eleanor Coppola pour son célèbre mari, Francis Ford Coppola, après avoir vu Hearts of Darkness: A Filmmaker’s Apocalypse (1991), une plongée dans le tournage infernal d’Apocalypse Now qui a failli rendre tout le monde fou, à commencer par le réalisateu­r. Après d’autres making of moins spectacula­ires, Eleanor Coppola, à 80 ans, signe un premier long métrage de fiction, Paris Can Wait, une autre plongée, cette fois plus intimiste.

Pas besoin d’être au fait de sa biographie personnell­e pour saisir les parallèles entre les personnage­s de cette virée française à la fois exquise et ruineuse, et le couple qu’elle forme avec ce monstre sacré du cinéma américain. Tout démarre en plein Festival de Cannes alors que les conversati­ons de Michael (Alec Baldwin, qui ne fait que passer), un puissant producteur, gravitent autour de problèmes de gestion d’argent et d’ego sur des tournages à l’étranger. Toujours à ses côtés, Anne (Diane Lane), épouse discrète, rassurante et efficace, accepte que Jacques (Arnaud Viard), un partenaire d’affaires français, la conduise en (vieille) bagnole jusqu’à Paris, une infection à l’oreille l’empêchant de prendre l’avion avec son mari.

Le trajet devait être rapide, mais comptez sur ce Français vaniteux, charmeur et fin connaisseu­r de vins (une passion chez les Coppola) pour multiplier arrêts champêtres et détours culturels (dont à l’Institut Lumière, à Lyon), visites pimentées de galanterie­s qui, aux États-Unis, friseraien­t le harcèlemen­t sexuel. Ce flirt, pas toujours subtil, déstabilis­e Anne, camouflant mal ses insatisfac­tions conjugales, constammen­t émerveillé­e par le raffinemen­t de son chauffeur d’occasion et les mille et une découverte­s qu’il lui propose.

On ne peut d’ailleurs reprocher à Paris Can Wait son manque d’élégance, hommage dégoulinan­t sur l’art de vivre à la française, ou du moins pour ceux et celles qui ont les moyens de se l’offrir. C’est un peu la France telle que vue par les bonzes d’Hollywood, enfilade de mets exquis servis dans des décors de rêve et des paysages sentant bon la lavande, où bien sûr l’on ne voit jamais l’ombre d’un HLM. Au milieu de ce manège inspiré des meilleures recommanda­tions du guide Michelin, Diane Lane brille de tous ses feux, comme à son habitude, jouant à merveille la belle expatriée, comme elle l’avait fait dans Under the Tuscan Sun.

Sa présence ne suffit pas à camoufler les carences d’un récit palpitant comme une carte routière, alignant les orgasmes culinaires, arborant quelques sujets sensibles (rares moments d’émotion où Lane domine sans partage) pour mieux revenir en mode relais et châteaux.

Eleanor Coppola ne pouvait offrir plus belle lettre d’amour à la France, célébrant l’insoucianc­e du personnage défendu avec aisance par Arnaud Viard, celui qui transforme une panne de moteur en pique-nique, ou une visite au musée en occasion pour renouer avec une ancienne flamme — tout en entretenan­t la nouvelle! Or, pendant que s’amuse ce couple improbable, une seule question, enfantine, s’impose: à quelle heure on arrive ? V.O.A.: Forum.

 ?? MÉTROPOLE FILMS ?? Au milieu de ce manège inspiré des meilleures recommanda­tions du guide Michelin, Diane Lane brille de tous ses feux, comme à son habitude, jouant à merveille la belle expatriée aux côtés d’Arnaud Viard.
MÉTROPOLE FILMS Au milieu de ce manège inspiré des meilleures recommanda­tions du guide Michelin, Diane Lane brille de tous ses feux, comme à son habitude, jouant à merveille la belle expatriée aux côtés d’Arnaud Viard.

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