Emmanuel Schwartz tel qu’en lui-même
Métissant les genres et les disciplines, l’homme de théâtre s’exhibe en trio
Emmanuel Schwartz court la dernière ligne droite d’une saison-marathon. Après avoir ouvert 2016-2017 au Théâtre du Nouveau Monde dans le rôle-titre d’un Tartuffe qui fit ensuite l’objet d’une tournée québécoise, l’acteurc-réateur a repris du service auprès de son pote Mani Soleymanlou afin de créer le spectacle Huit durant l’hiver. Le duo a ensuite mis le cap sur la France pour une mouture hexagonale de Trois, d’abord monté ici en 2014, cette fois avec une trentaine de nouveaux interprètes parisiens. «Je suis dû pour quelques vacances», avouait-il, les traits tirés, une semaine avant la première de la cerise sur son année, Exhibition — L’exhibition, qui naît ce vendredi soir au Festival TransAmériques.
Aborder ses projets récents, son cheminement et ses bibittes artistiques, c’est coller à la thématique d’un spectacle échafaudé en collaboration avec ses vieux copains Benoît Gob et Francis La Haye, le tout sous l’ oeild’ u ne amie-mentor spectatrice privilégiée, lametteure en scène Alice Ronfard. Bilingue, le titre joue sur les notions d’exposition, de dévoilement, de dénuement : «C’est une installation théâtrale dans laquelle les oeuvres données à contempler sont les acteurs… c’est la définition avec laquelle je suis le plus à l’aise, disons», tente de préciser l’auteur-acteur, situant du même souffle la chose comme étant perméable au cinéma, à la musique, aux arts plastiques.
Tous crédités comme coauteurs du spectacle, les gars s’en remettent à Schwartz pour l’écriture des textes, présentés comme les bribes qu’aurait produites une fantasmée «machine à extraire la pensée pure». «Je veux parler de la fragilité du processus de fomentation des idées, de la difficulté à les partager, à les faire vivre à l’extérieur de soi. Ça a toujours été au coeur de ce que j’écris, comme une mise en abyme qui se bouffe elle-même, mais en ce moment j’ai davantage confiance en mes moyens.» Cette fragilité estelle décuplée dans un processus collectif comme celui-ci? «Oui, malgré et peut-être surtout parce qu’on est de grands amis. Par contre, les forces et les désirs contradictoires, c’est aussi toujours à l’oeuvre à l’intérieur de nous, ça nous tiraille.»
Établit-il un lien entre ce « je » scénique assumé, entre documentaire et autofiction, et son travail auprès de Soleymanlou sur sa série de pièces chiffrées explorant les identités culturelles, genrées et artistiques ? «Bien sûr, c’est le même lien unissant l’arbre à ses racines. Mani m’a prouvé, soir après soir, la force de ça; après 100 représentations de Un, ça me bouleverse encore de l’écouter depuis la coulisse. Je ne me pose même plus la question, c’est ce que je veux moi aussi… un peu par envie, peut-être.»
Acteur sollicité qui travaille avec Denis Marleau, François Girard et Marc Beaupré, tête d’affiche du film Laurentie (2011) et remarquable au TNM dans son rôle de Lucky dans En attendant Godot (2016), l’auteur de la trilogie Chroniques et de la pièce Nathan écrit aussi pour échapper à la vie de pigiste : « Être toujours à la remorque des autres, soumis au rythme des autres, jongler avec une foule d’exigences extérieures, je ne serais pas capable de faire ça longtemps.» Partageant durant de nombreuses années la direction de la compagnie Abé Carré Cé Carré avec Wajdi Mouawad, Schwartz fait désormais cavalier seul, sans attaches ni agent. «C’est vertigineux. À avancer sans direction administrative ni direction technique permanentes, je réalise à quel point la couche que je portais à l’époque était dorée. » C’est la structure de soutien LA SERRE – arts vivants, entre autres productrice de l’OFFTA, qui permet l’éclosion d’Exhibition – L’exhibition. EXHIBITION – L’EXHIBITION D’Emmanuel Schwartz. Conception et interprétation: Benoit Gob, Francis La Haye et Emmanuel Schwartz. Une coproduction de LA SERRE – arts vivants, du FTA et du Théâtre de l’Ancre (Charleroi). Au Monument-National, du 2 au 5 juin.