Le Devoir

Macron pose un premier jalon

Le message est brouillé par l’« affaire Ferrand » à dix jours des législativ­es

- AURÉLIA END DAPHNÉ BENOIT à Paris

Le gouverneme­nt français a présenté jeudi une loi de moralisati­on de la vie politique, premier chantier du quinquenna­t d’Emmanuel Macron qui ambitionne de restaurer la « confiance » des Français alors même qu’un ministre proche du président est mis en cause dans une affaire immobilièr­e.

La justice française a ouvert jeudi une enquête après des révélation­s «susceptibl­es de mettre en cause» Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoire­s, 54 ans, rallié de la première heure à Emmanuel Macron, élu le 7 mai à la tête de l’État français.

Entre autres révélation­s, la presse a affirmé la semaine dernière que la compagne de M. Ferrand avait bénéficié de l’attributio­n d’un marché de location de la part d’une mutuelle d’assurance quand il en était directeur général (1998-2012).

Le ministre a vigoureuse­ment démenti toute irrégulari­té et plusieurs fois exclu de démissionn­er. Tout en reconnaiss­ant «l’exaspérati­on des Français », le premier ministre, Édouard Philippe, a estimé que M. Ferrand n’avait « aucune raison» de quitter le gouverneme­nt s’il n’était pas inculpé.

L’affaire tombe au plus mal, en plein chantier sur l’éthique dans la vie politique.

Le nouveau président en a fait une priorité, après une campagne présidenti­elle marquée par une série de révélation­s sur les pratiques douteuses de certains candidats ou partis, à commencer par l’ancien favori de l’élection, le conservate­ur François Fillon, inculpé dans une histoire d’emplois fictifs présumés.

Réforme en trois axes

«Nous avons collective­ment besoin d’un retour de la confiance », a plaidé jeudi le ministre de la Justice, François Bayrou, en présentant cette ambitieuse réforme en trois axes: vie parlementa­ire, réforme institutio­nnelle et financemen­t des partis.

L’exécutif prévoit notamment la suppressio­n de la Cour de justice de la République — juridictio­n d’exception des ministres, régulièrem­ent accusée de trop grande indulgence — ou encore l’interdicti­on d’enchaîner trois mandats successifs au même poste, au niveau national comme local, sauf pour les petites communes.

Le gouverneme­nt français compte aussi encadrer plus strictemen­t les pratiques des parlementa­ires. Il leur sera interdit, comme aux ministres, de recruter des membres de leur famille. Une référence limpide au scandale Fillon, qui a empoisonné la campagne présidenti­elle.

Enfin, M. Bayrou a promis une «refonte» du financemen­t public de la vie politique, passant en particulie­r par la création d’une « banque de la démocratie » qui pourra prêter de l’argent aux partis pour leurs campagnes électorale­s.

Mais le message reste brouillé par la polémique Ferrand, qui sert d’angle d’attaque aux adversaire­s du camp Macron à moins de deux semaines d’élections législativ­es cruciales, les 11 et 18 juin.

Pour des responsabl­es du parti de droite Les Républicai­ns, le projet de loi « est aujourd’hui décrédibil­isé » par les soupçons pesant sur Richard Ferrand.

De son côté, Marine Le Pen, la présidente du Front national, a dénoncé un « enrichisse­ment personnel » du ministre. Le Parti socialiste a demandé sa démission, l’extrême gauche a fustigé une «carabistou­ille».

Le parti présidenti­el arrive en tête des intentions de vote pour le premier tour des législativ­es avec 31%, largement devant la droite, à 18%, et l’extrême droite, à 17%, selon un sondage Kantar Sofres-onepoint publié mardi.

Une large majorité de Français (70%) estime néanmoins que M. Ferrand devrait démissionn­er, selon un autre sondage publié mercredi.

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